Extrait du journal

Cependant l'Espagne est un des derniers pays qui nous ait fait la galanterie de ne pas appliquer la loi salique ! A dire vrai, cette loi, qui dans les monarchies nous exclut du trône, est d'une légitimité très discutable ! Les quenouilles ont été des sceptres qui en valaient d'autres. Sur la terre d'Espagne même, l'unité nationale a été faite par une reine, cette valeureuse Isabelle qui, ne pouvant pas comme un homme faire un vœu de laisser croître sa barbe jusqu'à la victoire sur les infidèles, prit l'engagement singulier de ne pas changer de chemise jusqu'au jour du triomphe. Voilà vraiment une femme qu'on ne pouvait accuser de trop sacrifier à la coquetterie ! D'autres reines, en Espagne même, ont joué un grand rôle et tout le monde accorde qu'il y a eu peu de grands hommes couronnés, aussi grands hommes que l'impératrice Catherine. Qui sait si, après Sadowa, une Marie-Thérèse n'aurait pas rétabli les affaires de l'Autriche contre le descendant du grand Frédéric. C'est la reine de Naples et non le roi qui a défendu Gaëte et mis un rayon de gloire sur la défaite des Bourbons d'Italie. Bref il n'est pas besoin de remonter aux temps anciens pour trouver des reines habiles, héroïques ou charmantes, et là où nous ne portons pas la couronne, notre influence ne reste pas moins grande et, en certains cas, décisive. La France n'a oublié, pour le bien ou pour le mal qu'elles ont fait, ni Joséphine, ni Marie-Louise, ni la duchesse de Berry, ni la reine Marie-Amélie, ni l'impératrice Eugénie. Il y a vraiment un peu de puérilité à nous empêcher de porter la couronne, quand dans tant de ménages royaux nous avons porté les culottes !...