Extrait du journal

J'avais lu, comme tout le monde, dans le Figaro, les savoureuses remarques de M. Lancelot pour la défense de la langue française ; réunies en volume, elles m'ont paru plus agréables encore. J'étais charmé d'apprendre tant de choses élémentaires. Je regrettais seulement que l'auteur, tout en se rapportant tantôt à la raison et tantôt à l'usage, avouât si cavalièrement que ni l'usage ni la raison n'avaient beau coup d'autorité en grammaire. En quel nom parle-t-il donc? me disais-je. Il me parut alors que, n'ayant pas moins, de trois cents ans d'âge, le bonhomme pouvait bien se fonder sur son expérience. Cette antiquité le rendit vénérable à mes yeux. « Voilà, dis-je, un témoin des plus beaux temps du langage. Conservons pieusement le trésor de ses arrêts. Obéis sons à ses ordres contraires. Et ne nous étonnons pas si l'extrême vieillesse l'a rendu à la fois respectable, capricieux et frivole. » J'étais dans ces sentiments quand le hasard?- m'ayant mené chez un marchand de livres, m'y fit trouver un petit volume agréablement relié, dont le titre piqua ma curiosité : Grammaire et syntaxe fran çaise, contenant reigies bien exactes et certaines de la prononciation, orthographe, construction et usage de notre langue... par Charles Maupas. L'auteur se donnait" comme Bloisien. Le livre était imprimé à Orléans. J'avais sous les yeux, la seconde édition, amendée et augmentée de moitié, et parue en 1618. La date me fit rêver. C'est peut-être, me disais-je, dans un livre de cette sorte que Corneille enfant a appris fes règles du langage ! M. Lancelot m'ayant mis en goût, j'emportai ■ cette grammaire, assuré que j'y trouverais les mêmes maximes dans leur première ver deur et naïveté....