Extrait du journal

Une décision du conseil municipal d'Ally (Haute-Loire) vient de supprimer les qua tre foires qui se tenaient annuellement au chef-lieu de la commune. Ce simple fait accuse officiellement la désertion de nos campagnes. Si les foires d'Ally paraissent aujourd'hui inutiles, c'est qu'on n'y vient plus et que Je vieux bourg, siège autrefois d'une colonie sarrasine dont les traces ne sont pas encore entièrement perdues, n'est plus que l'ombre de lui-même. Le cas de ce village est celui de beau coup d'autres dont la vie se retire peu à peu par suite de l'exode régulier des jeunes gens vers les grandes villes. Le mal existe depuis la guerre et, en dix ans, il n'a fait que croître et se géné raliser. Combien de localités anciennes et pros pères se sont ainsi vidées de leurs habi tants ! Un foyèr s'est éteint un jour, puis un autre, et l'herbe pousse maintenant dans les cours, hier encore animées par les rumeurs diverses de l'existence rurale. Derrière les portes fermées, le temps exerce son œuvre destructrice ; les murs s'effritent lentement, les toitures s'affais sent. Les maisons désertes sont devenues de grands cadavres étendus au long de rues hantées seulement par de rares vieil lards qui, eux aussi, attendent la fin et disparaissent dans le silence. De ce fait, des paroisses sont en voie de suppression et les églises elles-mêmes chancellent sous leur enveloppe grise de poussière, parmi les champs d'orties bar rant le porche solitaire. Presque tous les cantons de ia monta gne sont ainsi décimés et périssent. Les nouveaux ménages ne veulent plus les ha biter et préfèrent abandonner le bien de famille plutôt que de s'astreindre aux tra vaux du sol. Les artisans deviennent, eux aussi, rares, le labeur coutumier ne nour rissant plus suffisamment son homme. Dans certains endroits, on chercherait vai nement un menuisier, un cordonnier, une lingère, une repasseuse. C'est à peine si l'atelier enfumé du forgeron refentit des coups de marteau sur l'enclume et si l'épicier du coin pourvoit tant bien que mal au ravitaillement de ses concitoyens. Les ambulants qui courent le pays sur camionnette automobile ont tôt fait de servir chacun à domicile, et la concurrence tue la boutique. Si la boutique meurt, la vie locale se retire; c'est bien aussi la mort du village. U. R....