Extrait du journal

En ces derniers temps les fonctions de représentant du peuple, ont été, comme ils disent, très disqualifiées. De plus en plus on tend à considérer que le soin de s'occuper des affaires publiques doit être laissé à une classe peu estimée de spécia listes plus dépourvus encore d'idées que de scrupules et de valeur intellectuelle que d'honnêteté. On posait récemment cette question de savoir s'il n'y aurait pas incompatibilité entre le métier d'écrivain et celui de député. Le politicien devrait ainsi être relégué en dehors du pays qui pense, qui travaille et qui progresse. Votre candidature était une protestation contre cette opinion bizarre autant que dange reuse. Vous êtes, avant tout, un homme de pensée. Historien et philosophe, vous avez cherché à dégager des tableaux de l'his toire et des spectacles contemporains les lois qui régissent les transformations. des peuples. Mais la volupté qu'on trouve à apercevoir les causes des événements ne vous suffit pas ; et vous ne voulez pas vous isoler dans les temples d'idées que vous avez bâtis. Vous montrez par là l'exemple. Vous conviez à l'action tous ceux qui re présentent, dans ce qu'elle a de plus élevé, la pensée française. Vous avez été diplomate. Vous avez voyagé à travers les pays. Vous avez en imagination voyagé à travers les temps. Votre regard se plaît aux. vastes horizons. Vous êtes de ceux qui élargissent toutes les questions qu'ils traitent. C'est en ce sens que votre intervention dans les dis cussions parlementaires ne manquera pas d'être profitable. Les combinaisons minis térielles et les marchandages des groupes absorbent toute l'activité de la plupart de vos collègues. Et c'est bien là ce qui nous fâche, nous autres qui découvrons avec in quiétude certains signes de l'époque pré sente. Ils ne voient pas plus loin que les questions de personnes et les questions de clocher ; mais la. question qui se pose est de savoir ce qu'il adviendra, dans un ave nir prochain, de la société telle que nous la voyons aujourd'hui. Depuis des années déjà, mon cher maî tre, les meilleurs de nos jeunes gens, les plus instruits et ceux pour qui l'idéal est plus qu'un mot, se sont habitués à vous considérer comme leur chef. Le mouve ment d'idées que vous avez provoqué va recevoir de votre succès électoral une nou velle impulsion. Tous ces jeunes gens de classes, d'origines et de fortunes diverses, s'unissent aujourd'hui, soyez-en bien sûr, pour vous remercier et pour vous pro mettre qu'ils seront avec vous quand vous vous efforcerez là-bas, dans le bruit des intérêts mesquins et des préoccupations inavouables, de faire entendre une parole désintéressée, éclairée et généreuse. RENÉ DOUMIC....