Extrait du journal

idées, les abstractions n'ont tenu une telle place. C'est la marque de la Révolution de 1789; c'est ce qui en a fait la grandeur et le retentissement dans le monde, et aussi ce qui en a fait les périls et les mé comptes. Mais l'homme n'est point un être abstrait et les idées théoriques seules n'opèrent pas les révolutions. La France de 1789 n'a point échappé à la règle commune. La Révolution s'est en quelque sorte matérialisée dans les ques tions d'argent, dans les questions d'im pôts. Qu'on veuille bien s'en souvenir: il en a été ainsi de la plupart des révolu tions, à commencer par celle d'Angle terre et par celle d'Amérique. Dans presque toutes, on retrouve, à l'origine, une querelle de contribuables, la ques tion de savoir qui doit payer l'impôt et qui doit fixer le montant de l'impôt. Par ce côté encore, notre grande Révolution que d'aucuns s'obstinent à nous pré senter comme un phénomène unique rentre dans le cadre habituel de l'his toire. Si lointaines et si hautes qu'en sem blent les causes premières, la Révolution française a eu plus qu'aucune autre, peut-être, des causes financières. Pour la plupart des Français on peut dire que, avant comme après 1789, elle s'est ré duite à modifier la base de l'impôt et la répartition des taxes. La Révolution, répétons-nous, a renversé les débris de la féodalité ; mais, comme le dit dans ses Mémoires un témoin de 1789, le chance lier Pasquier, «ce qui restait de la puissance féodale n'était plus guère qu'un vain mot à peu près vide de sens...; il n'y avait plus entre la noblesse et les au tres citoyens qu'une question en débat, celle des privilèges pécuniaires (2) ». La suppression de ces privilèges a été l'ob jet propre de la Révolution. Tout le...