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Journal des débats politiques et littéraires, 6 décembre 1836

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Journal des débats politiques et littéraires
6 décembre 1836


Extrait du journal

tion, idées de tout temps familières aux Espagnols, je veux parler de la royauté. Tout ceci n'est pas d'ailleurs une pure spéculation, un pur rapprochement d'idées prises en dehors des faits. Il faut se souvenir que toutes les tentatives libérales faites jusqu'à ce jour en Espagne, n'ont jamais dû qu'à la royauté leur existence epUemère. L'espèce d'école philosophique du comte d'Aranda ne vécut qu'à l'ombre de la protection de Charles 111. Quant à la Constitution de Cadix, ce fut si bien à la royauté qu'elle dut l'adhésion passive des masses, que le jour où la royauté se tourna contre elle , elle s'évanouit comme une ombre. L'idée ' d être par une Charte, par une Constitution, par quelque chose qui n'est pas vivant, qui n'a pas de volonté et de puissance propre, est une idée étrange pour le peuple espa gnol ,et à laquelle il aura de la peine à s'habituer, si jamais il s'y habitue. Il comprend fort bien que les moines le gou vernent, que le Hoi le gouverne, qu'un ou plusieurs hommes lui commandent ; pour la Constitution, c'est toujours pour lui una papeleta, un petit morceau de papier. Or , lorsque Ferdinand mourut, qui donna le signal du mou vement, si ce n'est la royauté? Si la royauté n'avait parlé de despotisme éclairé, sj l'exclusion d'un prince connu pour son attachement aux vieilles maximes n'eût donné le branle, croyez-vous que la bourgeoisie toute seule , avec ses noms, tous , hormis un seul, inconnus du peuple , croyez-vous que la bourgeoisie avec la Constitution de 1812 pour drapeau, eût pu parvenir à se (aire proclamer en Espagne ? Jamais. Ce ne lut que sur l'initiative et sur l'appel de la royauté que la bour geoisie se trouva en possession du pouvoir. Sa tâche était rude et difficile., elle exigeait beaucoup de vigueur , d'habileté , de connaissance réelle du pays, et surtout une grande union entre tous les pouvoirs et entre tous les hommes appelés à concourir à la régénération de l'Espagne. Chacun a pu voir comment ces conditions indispensables pour le succès, se sont trouvées remplies. On peut dire, je crois , sans injustice que personne " n'a fait son devoir ; le pouvoir en n'agissant pas, le parti du mouvement en démolissant le pouvoir sans être prêt pour le remplacer. On se trouvait en l'ace d'un ennemi redoutable qu'il fallait écraser promptement sous peine de voir ses rangs se grossir de tous les intérêts anciens auxquels on donnait le1 temps de se rassurer. Et au lieu de porter toute son attention sur la guerre, de tourner toute son énergie de ce côté, on vit le parti libéral poussé par je ne sais quel faux, esprit d'imita tion de la révolution française , compliquer sa situation comme a plaisir , engager la lutte avec la royauté et se déchirer lui même comme si la guerre civile n'eût pas suffi à occuper ses forces. La Convention française'avait détruit le pouvoir du clergé , abattu le pouvoir royal, et non contente de soutenir la guerre contre l'Europe et contre la vieille France, elle avait elle-même déchiré ses propres entrailles et envoyé à l'échafaud la portion la plus modérée de ses membres. Ont dirait que la révolution espagnole n'a rien trouvé de plus à propos que de répéter le rôle mot pour mot. La royauté, le seul point de ralliement possible , la seule bannière respectée des deux par lis , a été humiliée , violentée , annulée ; et la. bourgeoisie-qui accomplissait ce beau chef-d'œuvre, obligeait du même coup les plus intelligens et les plus éclairés de ses membres à quitter leur patrie. En sorte que l'Espagne offrait et offre encore ce spectacle bizarre d'un pays qui, laucê dans la carrière révolu tionnaire, menacé par la guerre civile, pat la faillite, use à plaisir ses ressources, s'aliène ses partisans, et qui, au lieu d'agir , passe son temps à discuter spr des.tbêories libérales » comme les Grecs de Byzance, menacés par les Barbares se disputaient sur la procession du Saint-Esprit et se battaient pour les cochers du cirque et la faction, verte et la faction bleue. Le fait est qu'on s'occupe très fort dans ce pays ib savoir si on aura une Chambre ou deux Chambres, si Les. ministres, doivent, nonobstant îa Constitution de 1812, assister aux: séances parlementaires, et autres points de mémo-importance ; mais personne ne s'inquiète do savoir si le gouvernement es pagnol existera encore dans six mois; personne-ne s'inquiète de savoir où on trouvera de l'argent pour payer air mois d'avril ce qu'on n'a pu payer au mois de novembre ; personne ne s-'in j quiète de savoir où on trouvera un général qui fasse un peu moins de phrases et un peu plus de besogne que les généraux employés jusqu'ici. C'est une chose remarquable, et sur laquelle on ne saurait trop insister, que cette préoccupation puérile, on peut le dire, des libertés abstraites et des grands mots. S; faut des déclara tions de droits, il faut la liberté de la presse et toutes les liber tés possibles ; et chacun parait croire que quand une fois ces mots sonores auront été débattus et prononcés dans la Chambre et inscrits dans la Constitution, tout sera dit. L'esprit d'ordre, de discipline, l'économie dans l'administration, l'esprit de suite de persévérance, la volonlé de réussir, tout ce qui fait le talent* de l'homme d'Etat et tout ce qui assure le succès semble devoir être le résultat de ces mots magiquesi; car, chose singulière; il n'y a point ici un seul homme qui inspire quelque confiance ! il n'y a aucun de ces hommes dont la raison, le savoir, la pru dence ou l'énergie font autorité et rallient les faibles. Tout le monde ici va de pair et confusément, sans guide, sans chef, sans but. Aussi, Monsieur, vous pouvez lire, si cela vous est agréable, les séances des Cortès ; mais tenez-vous pour bien assuré que tout ce qui se passe là ne signifie rien, que personne dans les Cortès ne possède la foi ni la science du succès. Les Cortès ont repoussé le projet des tribunaux exceptionnels, elles ont re connu la régence de la Reine ; vous pouvez attendre d'elle même d'autres mesures semblables, modérées et sages, mgis insuffisantes. Quand on détruit il faudrait savoir remplafi&M Or le parti du mouvement n'a eu jusqu'à ce jour sance de désorganisation. Il a désorganisé le Statut rovâl, . ■S" '«- '/ ' ' '...

À propos

Fondé en 1789 sous le titre Journal des débats et décrets, le Journal des débats politiques et littéraires retranscrit, dans un premier temps, la quasi intégralité des séances dispensées à l’Assemblée Nationale. Sous Napoléon, il change de nom pour devenir le Journal de l’Empire. Publié jusqu’à l’Occupation, le journal sera supprimé en 1944.

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