Extrait du journal

Il lut un temps — oh ! pas très éloigné — où 1© certificat d’études était l’étoile passionnante des jeunes cerveaux et le rêve des parents ouvriers. A cette époque, on lisait avec un profond dédain le passage biblique où, dès le ber ceau du monde, Dieu met l’homme en garde contre l'arbre de la science. Et on diisait: Voici bien l'Eglise!... Elle a peur de la science !.. Et on sait pourquoi 1... L’hurna nité ne peut pourtant pas toujours rester en nourrice 1... etc., etc... ■Notes que l’Eglise aime la science... C’est même elle qui a bâti les premières écoles. Mais elle veut que cette science ne soit pas über ailes et qu’elle accepte que d’autres choses puissent exister jaussi à côté d’elle. * Bref* l’engouement pour les diplômes alla très loin. En 19i3, j’ai reçu dans mon bureau de la saeristie une jeune négresse... je la vois encore, habillée en rose clair, avec une amazone bleu céleste— Elle venait, à tout hasard, pour un vague et possible mariage. —? Vous avez fait votre première Com munion ?... lui dis-je. Elle eut un sourire de suprême commis érâtion * — J’ai mon brevet supérieur !.. — Au moins, êtes-vous baptisée ?.. —i Puisque je vous dis que j’ai mon brevet supérieur !.. — Croyez-vous en Dieu ?... Alors, avec un geste impatienté : — Mais enfin, Monsieur le prêtre, je vous réitère que j’ai mon brevet supérieur ! Je n’ai pas pu en . tirer autre chose Elle avait son brevet supérieur ! Je lui ai dit que Pasteur, lui aussi, avait son brevet supérieur et que pourtant il croyait à. Dieu et au Christ... Elle n’a pas sourcillé... Mais quand j’ai ajouté que ma bonne avait couvert ses pots de confitures avec mon propre diplôme de bachelier ès lettres... ... — Elle a fait cela !... s’écria-t-elle avqc indignation. ’ — Oui... j’en suis un peu cause... — Et vous ne l’avez pas chassée !... — Que voulez-vous... elle n’a pas son brevet supérieur !... Mais elle sait faire ccnt quatre sortes de soupes, ce que j’ap préoie autrement mieux. éü Donc : jusqu’en 1913, le diplôme, ’ lui aussi, était übér ailes. Résultat : d’innombrables petits gars, qui auraient fait de graves et solides paysans au village ou des ouvriers vraiment ca pables dans les villes, sont destinés, de par ces peaux d’Jnes, à gratter un éternel papier dans un éternel bureau. Autre résultat : la science, si orgueilleuse d’elle-même et dont Brunetière a dit la banqueroute, se trouve souvent dans une posture plutôt gênée. Le jour du premier coup de canon sur Paris fut celui de toutes les hypothèses. Je savais, par un tuyau sûr, que c’était une pièce à longue portée. Je le confiais le soir, oh ! très timidement, à un artilleur de marque, lequel me répondit d’un ton assez sec : — Voilà, Monsieur le curé, ce qui fait du tort à la religion !... — Mais, je ne comprends pas en quoi ? — Mais si !.. quand je vous vois gober si facilement de pareilles histoires dans le civil, comment ne pas me défier de vous, même au point de vue religieux !.. Nos plus forts canons tirent à une quarantaine de kilomètres. Il est impossible — vous en tendez bien ?... -r- impossible qu’on ait franchi l’étape de 40 à 120 d’un seul coup, et sans que nous le sachions... Le surlendemain, tous les journaux an nonçaient l’existence de la fameuse pièce Et, en m’apercevant de loin dans la rue, FSrtilleur prenait l’autre trottoir... # (Mais cette faillite de la science s’étale surtout au point de vue du bonheur humain. Dieu infiniment " bon a fait la nature exquise, le printemps gai et tendre, où tout chante la joie de vivre... 11 a fait le beau...