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La Croix, 17 mai 1899

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La Croix
17 mai 1899


Extrait du journal

On connaît l’axiome célèbre de Mon tesquieu sur les formes de gouverne ment : « Le despotisme se fonde sur la crainte; la monarchie prend pour base l’honneur; la république exige la vertu. » Ce philosophe désignait par république le gouvernement démocratique qui ne peut fonctionner s’il ne se constitue sur des éléments individuels vertueux. Rien n’est plus certain : et si la démo cratie est essentiellement le gouverne ment par le peuple, elle doit exiger de ses gouvernants toutes les qualités dési rables chez un bon prince. Ces qualités sont d’autant plus néces saires que, suivant la théorie, le peuplé* est appelé à gouverner par lui-même, en déléguant aussi peu que possible son autorité. Le sujet, devenu gouvernant, contrôle les actes, les tendances de ses délégués : députés, ministres, présidents et autres; il les dirige, les juge, les avertitet. au besoin, les révoque. A l’aide du mandat impératif, il les tient en bride, et la démission, signée par avance en blanc, permet de les briser sans délai. Le principe de la Souveraineté, joint au droit de gouverner, est tellement propre à l’ensemble des citoyens qu’ils ne peuvent s’én départir sinon d’une manière tout à fait temporaire : Ce serait aliéner les droits des citoyens à venir : chose absolument injuste. De même pour l’individu : le 15 mai 1899, il ne peut se lier pour le 15 mai 1900, ce serait engager sa liberté d’une ma nière définitive. Ni par des vœux, ni par le mariage, il ne le doit. Telle est la démocratie maçonnique. Dans la pratique, elle admet des excep tions : l’homme bien portant est toujours admis à s’engager ferme pour le jour de sa mort à mourir sans sacrements. Le peuple peut prendre comme définitive la forme indiquée par les Loges : celle-là deviendra de droit divin. * • * Ces contradictions ne prouventni beau coup de logique, ni beaucoup de sincé rité. Ce qui en indique moins encore, c’est d’attribuer aux citoyens des droits et un rôle tout à fait supérieurs et de leur enlever les moyens de le remplir, en admettant qu’il puisse l’être. Au lieu de la développer, on réduit sa formation intellectuelle et morale, sans laquelle ne pourront être acquises « les vertus » né cessaires au gouvernement démocra tique. La vertu civique a pu suffire pendant les grandes époques de la Révolution : Robespierre, Marat furent très vertueux dans ce genre : — on nous l’enseigne, au moins. Aujourd’hui, cene serait pas suffisant: pour rendre la vie possible, il faut les vertus négatives que Montesquieu, nous aimons à ie croire, avait également en vue. Les vertus négatives sont les vertus sociales par excellence : s’abstenir de prendre le. bien de son voisin, mettre à la place de la fraternité qui lui coupe le cou, la bonne vieille charité prête à panser la plàie. L’humilité! Comment faire l’union, la paix, le bon travail soutenu par la joyeuse ebanson, si sans relâche arrive la pensée poignante: « Je vaux mieux que le voisin, il m’a pris ma place 1 t Comment élire des députés capables, justes, désintéressés, si la tempérance ae se met de la partie? Sans elle, ce sera toujours le régime du petit verre uni versel....

À propos

La Croix est un journal catholique conservateur créé par Emmanuel d’Alzon, prêtre de la Congrégation des assomptionnistes, en 1880. Quotidien depuis 1883, il continue d'être publié de nos jours, dans une version bien moins partisane et religieuse que par le passé.

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