PRÉCÉDENT

La Gazette de Château-Gontier, 5 mars 1939

SUIVANT

URL invalide

La Gazette de Château-Gontier
5 mars 1939


Extrait du journal

La çieftst trop chère I Chaque semaine, le prix des denrées monte 1 monte !... Le lait..., le beurre..., les légumes..., les fruits..., les volailles..., et tout... et tout... jusqu'au pissenlit qui est coté comme une sa lade de luxe. Où s'arrêteront les prix ? Oh !... ces paysans !... ils abusent !... Vous entendez ces récriminations, non pas Seulement dans notre région et à nos. marchés locaux, mais partout en France. ’ Les paysans abusent... Le croyez-vous sérieusement ?... Avez-vous essayé de vous mettre à leur place ? La vie chère ?... Mais ils en sont les pre mières victimes... El comme l’ouvrier, le '.onctionnaire, ils n’ont pas la certitude du lendemain. La vie est chère ?... Avez-vous oublié les dégâts causés par le froid en décembre der nier ? Les pommes restées sur les arbres ou mises tn tas, toutes prêtes à faire le cidre... gelées. Les choux, navets, betteraves... tout ce qui tert à donner du lait aux vaches... gelé..., et le foin... et la paille sont hors de prix... Le foin à un franc le kilo et la paille à cinquante centimes. Soupçonnez-vous ce qu’il faudra acheter, puisque l’an dernier il n’y eut dans nos campagnes ni foin ni paille, pour seule ment maintenir en état les chevaux et les bo vins ? Plus triste encore : le blé est gelé. Pas de blé, pas de pain. Une politique idiote a, cet automne encore, décrété qu'on dénaturerait de grosses quantités de blé, sans prévoir ce que pourrait être la récolte prochaine. Celle-ci est compromise. Va-t-on enfin cesser ce gas pillage ? Les silos sont nombreux dans toute tes régions productrices de blé ; qu'on fasse des réserves pour Vannée prochaine... C’est prudence. En attendant, le paysan, lui, n'a pas perdu ton temps. Des qu’il eut constaté le désastre, il s’est dit qu’il allait ensemencer à nouveau. E* avant même la fin du temps froid, dès que la pluie a cessé et que les terres ont été aborda bles, avec une persévérance opiniâtre, il a re mis la charrue, ou la herse, dans les champs que jaunissait le blé mort, et il a semé. Avez-vous idée des dificullés contre les quelles le paysan a dû lutter pour essayer de nous donner quand même du pain Vannée prochaine ? Terres trop lourdes, après les longues pluies de janvier. Semences sélectionnées, extrême ment chères et presque impossibles à trouver. Pour que le blé rende, il faut autant que pos sible changer de semence souvent. Mais, avec nos lois actuelles, il y a des tas de formalités à remplir pour transporter un sac de blé d'un endroit à un autre... preque autant que pour transporter un fût d’eau-de-vie... Et le temps était menaçant. Il fallait se hâter... Alors, beaucoup ont été obligés de semer ce qu'ils ont trouvé, au risque d'avoir une récolte moins belle... et comme ce blé ne tassera pas comme celui de Toussaint, il faut semer plus serré, donc dépense plus forte. Et que sera la récolte ? Celui qui sème n'en sait rien. Qu’il fasse trop humide ou trop sec, on risque d'avoir beaucoup travaillé pour un faible résultat. Le paysan ne sair jamais si, ayant bien travaillé au cours de Vannée, son labeur sera profitable. Il n’est sûr que lorsqu'il a argent en poche. Il faut ajouter que nos gouvernants, depuis quelques années, ont tout fait contre les habi tants de nos campagnes. On a institué l'Office du blé, qui prélève un très lourd impôt sur les prix imposés. On met des formalités tracassières tout au tour de la vie paysanne, sans lui accorder les facilités économiques ou financières concédées à d'autres. Ainsi, pour que le cultivateur puisse faire moudre son blé et faire cuire son pain, ou qu’il puisse échanger son blé directe ment contre du pain, que de paperasseries ! Que de démarches ! Malheur à lui s'il passe outre la loi et veut employer lui-même sa farine et distribuer du pain autour de lui. Pour les Assurances sociales et surtout pour les Allocations familiales, le paysan est un paria placé très au dessous de l’ouvrier et sur tout du fonctionnaire. Revenons au blé et au pain. On prétend que nous avons trop de blé, et on réglemente la meunerie en lui défendant de bluter à un taux élevé qui nous donnerait une farine complète et non plus de l’amidon très blanc, mais intipide et peu nourrissant. Et on fait venir de Tétranger des blés, sous prétexte que ce sont des blés dors nécessaires à la panification. Ja dis on mangeait du pain savoureux, très sain ; c’était la base essentielle de notre nourriture nationale, et on trouvait tout ce qu’il fallait dans nos blés indigènes... Mais la politique tt le négoce international sont passés par là. ' Le blé n’est pas la seulexause de souci pour nos paysans. L’élevage a été durement touché lui aussi depuis un an. On se souvient des ravages causés par la fièvre aphteuse, et le mal est loin d’être réparé. La disette de four rage actuelle complique encore le mal. Une chose à laquelle certains ne veulent pas réfléchir, c’est que la paysan produit de la richesse. S’il gagne de Vargent, tant mieux, car il en dépensera. Il aime thésauriser, pré tend-on ; il serait même un peu avare... C’est faux. S’il amasse, c’est pour dépenser, soit à acheter des terres, sait à augmenter son chep tel, soit à mettre un peu plus de bien-être au tour de lui, A-t-il tort d’agir ainsi ? Nous ne le pen sons pas: • - . -, D’ailleurs, si ces paysans, contre lesquels il sst de mode, dans un certain monde , de déblai Iérer, ôoiil si heureux, si riches, pourquoi donc. ee fléau terrible de la.dépopulation des cam pagnes "ne fait-il que grandir ? Depuis vingt ans, A.814.000. hectares de terres françaises sont abandonnées en friches, plus de 3.000.000 d’âmes ont quitté le travail agricâlf. • ■ A cela, deux raisons. L’une d’ordre maté riel : Vagriculture est un métier mal rémunéré. L’autred'ordre moralXagriculture est un. métier déconsidéré. De ceci,. Vécole officielle ist pour une très grande part responsable....

À propos

Lancé en 1878, La Gazette de Château-Gontier fut un bihebdomadaire, puis un hebdomadaire local. Collaborationniste pendant l’occupation, il est interdit en 1944.

En savoir plus
Données de classification
  • daladier
  • léon bérard
  • forcinal
  • tabouis
  • bérard
  • florimond bonte
  • franco
  • jean devaux
  • thoumyre
  • moreau
  • france
  • espagne
  • paris
  • burgos
  • italie
  • londres
  • chambre
  • allemagne
  • angleterre
  • pologne
  • parlement
  • jeunes femmes
  • gouvernement national
  • parti communiste
  • front populaire
  • europe 1
  • sénat
  • comité de la population
  • ministère des affaires étrangères