Extrait du journal

journée du mardi 29 décembre 1903, lorsqu’une foule énorme, à la fois recueillie et frémissante, saluait de ses hourras le train routier automobile du colonel et du commandant Renard. Le peuple de Paris ne s’y est point trompé cette fois. Il a compris d’instinct qu’en saluant respectueusement les frères Renard, il faisait acte de patriotisme bien plus qu’en agitant les chapeaux devant un capitaine vainqueur. Le patriotisme guerrier est étroit et malsain ; il suscite au dehors la haine et les pensées de revanche; il ne crée jamais qu’un édifice instable. Il en est autrement de celui gui repose sur la gloire impérissable acquise par une nation lorsqu’elle réalise sur la nature quelqu’une de ces grandes conquêtes qui affranchissent le genre humain. Sull y-Prudhomme dit de Pasteur qu’il avait de l’amour pour l’humanité et une prédilection pour la France. Cette prédilection, cette place de choix que fait un grand homme à sa patrie dans l'amour infini qu’il accorde à tous les hommes, ne peuvent engendrer que des effets salutaires. Nous avons été fiers de voir des savants français donner au monde le sérum de la diphtérie. Mais nous eussions applaudi avec une joie exemple de toute jalousie si Koch eût réussi à nous donner le sérum antituberculeux. Notre rivalité ne se se rait manifestée que par le désir de nous signaler à notre tour par quelque chose de grand, et ces rivalités-là rapprochent les peuples et créent l’unité de notre espèce, au lieu de la diviser, comme la guerre, en groupes ennemis et farouches. La science et l’art sont internationaux. C’était donc une manifestation à la fois éminemment patriotique et éminemment humaine qui accueillait hier par des bravos le train routier des frères Renard. Ces deux cher cheurs modestes, sous l’habit du militaire, viennent de réaliser un progrès éminem ment civil, par une découverte capable d’augmenter la puissance de production de leur pays et de la planète entière. Il nous plaît de nous joindre à l’enthou siasme qui enflammait nos compatriotes sur le passage du train. Il est sain. ALFRED NAQUET....