Extrait du journal

CHRONIQUE BAPTÊMES CIVILS Spectator s’est payé dans le Paris ma tête sacerdotale de baptiseur inassermenté. Il l’a fait avec l’esprit qui lui est ordi naire, c’est-à-dire avec un peu ordinaire esprit. Comme je descendais la rue Mont martre, deux cochers très cossus, tout en fourrure, m’ont interpellé du haut de leur siège : « Hé l monseigneur t » J’ai levé le nez : c’était bien à moi (Rie s’adressait la qualification. Je me suis palpé sur toutes les coutures, y compris celles qui me font ressembler à un monticule accidenté. Une jaquette assez longue pour abriter un alexandrin de Camille JDoucet, mais pas l’ombre d’une soutane. Un claque, mais pas de chapeau en ombrelle, avec des cor dons de sonnette autour. Des bas, comme tout le monde mais pas plus violets que s’ils avaient été peints par Bouguereau. Alors quoi? A la fin, mes deux cochers m’ont tendu un journal : c'é tait là dedans qu’on m’appelait Monsei gneur. Pendant un quart de seconde, j’ai cru que c’était arrivé; j’allais même grim per dans le somptueux coupé, que je pre nais pour ma voiture épiscopale en tour née de confirmation, quand j’ai reconnu deux membres de mon Comité dans les automédons cossus. Qu’on dise ensuite que nous ne nous mettons pas bien à la Villette t *** Spectator n’est point sans savoir qu’il fut un temps où je grandissais en âge, sinon en sagesse, sous les ailes de l’Eglise catholique, apostolique et romaine. La vo cation m’était venue en écoutant chanter les petits enfants de chœur ; mais j’avais déjà des ambitions féroces, ne l’ai-jc pas depuis prouvé cent fois en lâchant tous mes programmes pour soutenir les ministres ? Mon supérieur avait lu dans mon âme comme dans un bréviaire. C’était un abbé de derrière les au tels,fin comme l’ambre, malin comme un singe tonsuré. Je me souviens qu’un jour, pendant la récréation, il me lit appeler dans ses appartements. J’avais évidemment quelque peccadille à me repro cher, car je me mis à trembler comme un panamiste. Pendant que je me deman dais à quelle sauce j’allais être mangé, lui, tout souriaut, furetait dans une armoire où des choses dorées flamboyaient. 11 en tira un camail de chanoine, très imposant avec sa Manche bordure en peau de lapin ; puis,l’ayant posé sur mes épaules de gosse (le camail, pas le lapin) : Voyons, mon enfant, marchez donc un peu devant moi en donnant des béné dictions I . . .. Je n’entendais trop rien a cette pratique. Toutefois, je ne me fis pas prier longtemps, et me voilà parti pour la petite promenade, avec toutes sortes de bénédictions au bout des doigts : ... — Mais on dirait que vous n avez jamais fait que ça, mon enfant I Figurez-vous si j’étais ravi. Une béné diction de plus, et je donnais la bague à baiser* La représentation terminée, le supérieur me tapota sur les joues et, braquant dans mes yeux ce malicieux et profond regard qui avait lu dans mon à me : — Eh 1 eh t votre camail, à vous, mon enfant, sera violet. Je me vis tout de suite en évêque, avec une mitre qui luisait comme un soleil ; et pas en évêque in partants* s il vous plaît 1 Si mon tentateur ne m'avait offert que ça, je lui aurais répondu en gavroche d’église : —- D’Hultz, alors 1 La promotion s’est fait attendre ; mais elle est enfin venue, grâce à mon débon naire confrère du Paris. Malheureuse ment, je n’ai pas tenu toutes les espérances que je donnais. Pas pontife pour deux sous 1 Je n’ai plus Fonction, j ai perdu le velouté du geste ; je bénis à la diable. **# II ,est vrai que c’est peut-être une chance. Les papas et les mamans veulent bien que nous baptisions civilement les bébés;...