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La Petite République, 11 février 1904

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La Petite République
11 février 1904


Extrait du journal

Est-ce un avantage qu’a remporté hier le Japon? Il a, sans déclaration * préalable de guerre, attaqué la flotte russe et endommagé, certains disent coulé, trois de ses plus puissants vais seaux. De fait, la Russie voit s’amoindrir ses chances de succès en même temps que ses forces de combat sur mer. Mais par de tels procédés, le Japon indispose l’opinion publique de tous les pays. Cette violation du droit des gens lui coûtera plus cher, en fin de compte, qu’à la Russie la perte de trois cuirassés. Par exemple, nous nous demandons à quoi les amiraux du tsar Nicolas passent leur temps, où ils ont appris leur métier. Les voilà mouillés au large de Port-Arthur, exposés par conséquent à des coups de surprise, [ans les parages de l’ennemi. Et ils dorment sur leurs deux oreilles, ils ne se gardent pas! Si bien que les torpilleurs japonais s’approchent d’eux >,ans coup férir, et les font sauter avec autant de facilité que des sa bots. Nous ne nous flattons pas d’égaler Christophe Colomb, Jean Bart ou M. Lockroy, ces aïeux des navigateurs. Tout de même, les amiraux du tsar nous paraissent de sacrées mazettes. Ils invoqueront, pour leur excuse, la non déclaration officielle des hostili tés. Mais dès l’instant où le Japon rompait les relations diplomatiques, ils devaient se tenir sur leurs gardes. Lorsque les diplomates se taisent, la parole revient au canon. Peut-être les journaux russes qui mènent depuis quatre ans contre la République une campagne des plus violentes, ceux entre autres qui affec tent de tenir pour impuissante la ma rine de leur alliée, sous prétexte que Pelletan la désorganise, peut-être ces coryphées du nationalisme français apporteront-ils désormais plus de ré serve dans leurs jugements sur notre politique. Si Pelletan désorganise la marine française en corrigeant les abus du commandement et les défectuosités du service, le tsar ferait bien d’appeler à hi tête de sa marine un désorganisateur de même espèce. En tout cas, la mésaventure de la flotte russe dé montre qu’il ne suffit pas toujours d’obéir à un maître absolu pour avoir la juste notion de son devoir. Le maître pardonne tout à ses fa voris, et comme il nomme aux emplois supérieurs ceux-là seuls qui gagnent ses faveurs, il se trouve désarmé de vant les coupables. L'amiral respon sable du défaut de vigilance auquel les Japonais doivent la réussilè~~de leur attaque nocturne, s’agenouillera devant Nicolas et se sauvera au prix d’une flatterie. Peut-être cela ne se passerait-il pas de même avec le ministre plébéien de Ja République française. L’opinion publique, notre souveraine, supporte rait mal que l’officier coupable d’une pareille impéritie s’en tirât à si bon compte. Ce premier succès va griser d’en thousiasme les Japonais. Attendonsnous à une activité dévorante de leurs troupes et de leur flotte. Ils sentent la nécessité de faire vite, afin de devan cer l’arrivée des renforts attendus par leurs adversaires; de plus, ils ne peu vent compter que sur eux-mêmes. L’Angleterre déclare en effet, par la bouche de ses ministres et de ses hommes politiques les plus autorisés, qu’elle n’interviendra sous aucun pré texte si le Japon et la Russie restent seuls aux prises. De notre côté, nous nous faisons une loi de la neutralité absolue et nous su bordonnons notre attitude à la sienne. Il ne reste donc aucune raison d’in quiétude. A quoi bon nous mêler au conflit? Nous n’apporterions aucun concours efficace à la Russie. Dès que nous en manifesterions la velléité, l’Angleterre nous imiterait à l’intention du Japon. Dès que nous mobiliserions notre flotte, elle mobiliserait la sienne. Avant de joindre les Russes, nous aurions à nous débarrasser des An glais. De telle sorte qu’à l’heure pré sente, il n’y a qu’une nation avec laquelle nous puissions échanger des coups, c’est l’Angleterre. Pendant que Russes et Japonais continueraient à so bombarder là-bas, Anglais et Fran çais en viendraient aux mains ici,...

À propos

La Petite République française – puis socialiste de 1898 à 1905 – fut une feuille républicaine à cinq centimes lancée en 1876 qui connut un succès relatif dans les premières années de la Troisième République. Satellite de La République française de Gambetta, les deux publications deviennent indépendantes en 1878 avant que la diffusion du journal ne s’amenuise à la mort de ce dernier en 1882.

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