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La Petite République, 22 juin 1910

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La Petite République
22 juin 1910


Extrait du journal

Quelle somme H lui faudrait ga gner pour subvenir elle seule à ses besoins. La Chambre était saisie hier d’une pro position tendant à instituer des comités professionnels chargés d’établir des salai res minima pour toute industrie occupant des ouvriers et ouvrières à domicile. D’autre part la commission permanente du conseil supérieur du travail est en train de faire une enquête sur l’établissement légal de salaire pour tous articles du vê tement. il nous a donc paru intéressant et utile d’essayer d’établir le budget annuel d’une ouvrière. Que lui faut-il pour vivre au plus juste |*rix, mais non pas tout à fait au plus bas prix ? Une petite chambre pourra lui suffire dont le loyer minimum ne sera guère in férieur à 150 francs. Pour se nourrir il tu. faudra environ 1 fr. 50 par jour. Pour sc chauffer pendant quatre mois d’hiver elle brûlera à peu près un demi-boisseau de charbon par jour, plus deux sous de petit bois, soit 40 centimes, car ni la place dont elle dispose, ni les avances d’argent qu’efle peut trouver au fond do son porte-monnaie ne lui permettent de faire des provisions, et. achetant au détail, elle achète plus cher. Durant les mois de printemps ou d’été elle dépensera moins : 15 centimes par jour peut-être. Soit une somme de 4# fr. 80 pour l’hiver et une autre de 36 fr. 4r5 pour l’été. Quant à l’é clairage l’ouvrière qui veille souvent brû lera au moins, pendant six mois de l’an née, deux litres de pétrole par semaine à 50 centimes le litre ; un peu plus en no vembre et décembre, beaucoup moins en juin et juillet, soit une moyenne de 80 li tres de pétrole, soit 40 francs par am, Son blanchissage, si elle le fait elle-même, lui coûtera peu ; un morceau de savon et une place au lavoir par quinzaine, soit 1 franc par mois au minimum. Puisqu’elle habite chez elle de menus frais d’entretien de son petit mobilier s'imposeront. De temps à autre il lui faudra remplacer une casse role ou des assiettes, faire rempailler une chaise, acheter quelques serviettes, voire une paire de draps. En évaluant cette dé pense à une vingtaine de francs par an nous demeurerons probablement au-des sous de la réalité. Quant aux vêlements, l’ouvrière pourra, durant les inévitables jours do chômage, se les confectionner elle-même et une centaine de francs lui suffiront pour être, malgré la modicité de cette somme, gentiment arrangée... car elle est industrieuse. M’oublions pas maintenant les frais qui résultent de son travail même ; frais de livraison, car souvent elle demeure loin du magasin pour lequel elle travaille, et frais de fournitures. Mettons pour les courses une moyenne do 50 centimes par semaine, soit 20 francs par an environ, et pour le fil, en comptant deux bobines par semaine à 20 centimes, une moyenne do 10 francs, car il nous faut déduire les semaines où le travail ne donne pas. Si nous additionnons maintenant toutes ces sommes nous arriverons à un total de 981 francs. Et nous n’avons rien mis en core pour les quelques plaisirs que l’ou vrière a cependant le droit de désirer s’ac corder, au même titre que tous les êtres ; rien mis pour qu’elle puisse compléter son instruction en suivant les conférences de l’université populaire de son quartier et se joindre au mouvement d’organisa tion ouvrière en adhérant au syndicat de sa corporation. Ah ! nous le savons trop ! ces deux der nières dépenses figurent rarement dans le budget d’une ouvrière, mais elles devraient y figurer ; il est essentiel qu’elles puissent y être inscrites. L’ouvrière ne doit pas plus longtemps rester à l’écart des orga nisations qui luttent pour l’affranchisse ment économique et intellectuel do sa classe ; donc à à son budget si modeste nous inscrivons délibérément 6 francs par an pour le syndicat et 2 ou 3 francs pour la cotisation de l’université populaire, où elle trouverait à côté de l’enseignement les distractions intelligentes qui cultiveront son esprit. Ajoutons un sou par jour pour la lecture du journal. Ce sou-là, l’ouvrière le donne déjà, dès qu’elle le peut. Le jour nal est, dans sa vie recluse, son unique distraction. Souvent, il est vrai, elle le lit mal ; mais elle le lit, et lorsque le journal s’intéressera à son sort et lui parlera d’elle-mème, elle le lira mieux sans aucun doute. Mettons encore 2 francs ou 2 fr. 50 par mois pour la correspondance, pour le tramway qui la mènera au bois le di manche, et nous arriverons, pour les dé penses qui ne sont point strictement né cessaires au manger et au boire, au mo dique total de 54 francs par an. Et nous oublions encore les maladies possibles ; nous n’osons poser comme né cessaire le petit séjour à la campagne dans une de ces colonies de vacances qui permettent aux ouvriers aisés d’aller, eux aussi, refaire leurs forces au grand air des champs. Admettons, pour le moment, que la santé.de l’ouvrière soit inébranla ble, que la maladie ne lui coûte rien, et que huit ou quinze jours de campagne re présentent un luxe que nous ne devons...

À propos

La Petite République française – puis socialiste de 1898 à 1905 – fut une feuille républicaine à cinq centimes lancée en 1876 qui connut un succès relatif dans les premières années de la Troisième République. Satellite de La République française de Gambetta, les deux publications deviennent indépendantes en 1878 avant que la diffusion du journal ne s’amenuise à la mort de ce dernier en 1882.

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