Extrait du journal

Quand nous disons que ceux des ré publicains qui se lancent dans une op position toute révolutionnaire au gou vernement de la République s’éloignent de plus en plus de la France, nous ne faisons que rendre hommage au senti ment qui domine à l’heure présente la masse générale des esprits, et qui est le sentiment de la stabilité définitive à donner à nos institutions, le sentiment de la conservation par le progrès dans la liberté. L’opposition révolutionnaire pourra faire beaucoup de bruit ; nous doutons très-sincèrement qu’elle puisse jamais faire beaucoup de mal. L’opi nion nationale assistera curieuse et attentive à ses efforts ; elle ne les se condera pas de ses sympathies. La dé mocratie républicaine n’a pas fondé son gouvernement pour le renverser. Elle n’a pas pris possession du pouvoir pour se le laisser ravir par un coup de force ou de surprise. Autant une opposition qui se don nerait pour mission de consolider la République en gourmandant sans cesse un gouvernement qui manquerait à cet impérieux devoir, aurait des chances assurées de prendre la direction de l’opinion publique et d’exercer, grâce à cette heureuse influence, un ascendant considérable sur le pouvoir, autant l’op position qui ébranle le gouvernement par ses attaques aussi imprudentes qu’irréfléchies est fatalement vouée au discrédit et à l’impopularité. La France n’est pas le moins du monde disposée à croire qu’elle n’a rien fait depuis dix ans, et c’est là pourtant ce que l’on s’acharne à lui persua der quand on lui représente qu’elle en est encore au même point et dans le même état que sous l'empire. Cette opposition bruyante est fort en retard : c’est pourquoi elle est rétro grade et sans action sur l’esprit pu blic. Pour qu’une opposition puisse se flatter de réussir un jour à entraîner l'opinion, il est de toute nécessité qu elle la précède, qu’elle marche en avant de toutes les idées et de toutes «es réformes ; et, ce n’est pas précéder l’opinion que de chercher à la faire re venir sur les faits accomplis, pour tâcher de la convaincre de l’inutilité et de l’inefficacité de ses victoires anté rieures. Si l’on dit à la nation que tout est à refaire, tout à recommencer, on la ramène en arrière, et la nation s’y refuse ; elle se cabre et résiste ; elle n’entend rien à cette manière de comprendre la marche en avant, qui consiste à commencer par reculer en deçà du terrain conquis. Il résulte de là que, bon gré malgré, l’opposition ne peut plus être révolu tionnaire ; il faut qu’elle parte de ce qui est acquis irrévocablement, pour l’étendre et l’améliorer. C’est ce que l’opinion publique ne discerne pas clai rement dans les écrits do nos oppo sants du jour. Elle distingue bien, au milieu de tant de bruits discordants, que l’on s’évertue à récriminer et à maudire, et c’est tout ; mais ce n’est pas assez pour la France, qui ne peut se résigner à croire, sur la foi de ces nouveaux docteurs, que tout ce qui a été fait depuis dix ans pour assurer le triomphe de la démocratie républicaine ne peut servir de rien à l’établissement définitif de la République parmi nous....