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Le Constitutionnel, 29 mai 1844

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Le Constitutionnel
29 mai 1844


Extrait du journal

trouver dehors en pleine nuit sans se croire transportée à cette époque pleine pour elle de chastes et poétiques souvenirs. Elle se rappela le temps où, toute enfant et gardant son petit troupeau sur le communal, elle avait appris à ses compagnes leurs plus belles chansons. « Voilà six mois que c'était le printemps, etc. » « C'étaient trois petits fendeurs, etc. » « Chante, rossignol, chante, etc. » Puis elle se retraça d'autres jours plus sérieux,'ou, initiée par sa mère à de mystérieuses pensées, elle s'était éloignée des folles bergères qui se réunissaient pour conjurer la peur et pour chanter des refrains assez lestes, gravelures rustiques qui sont marquées, air et paroles, au coin du dix-huitième siècle. La savante Tula avait appris à sa fille chérie qu'il ne faut pas chanter les choses qu'on ne comprend pas, parce que cela at tire les mauvais esprits au lieu de les écarter , et qu'alors ils rendent folles les imprudentes chanteuses, comme cela était arrivé à Claudie et à d'autres. Jeanne , bien convaincue qu'il n'était pas indifférent de dire telle ou telle chanson la nuit dans la solitude, avait alors répété sou vent, sur les collines sauvages de la Marche, ou sur les versans herbageux du Bourbonnais, de très-vieux refrains qui ont un caractère histo rique : La plainte du paysan au temps des désordres et des misères du régime militaire et féodal : Je maudis le sergent 1 Qui prend, qui pille le paysan. Qui prend, qui pille, Jamais ne rend. Et, le naïf chant de guerre que Tula pensait avoir été composé pour la GÀnde Pastoure : Petite bergerette A la guerre tu t'en vas... Elle porte la croix d'or, La fleur de lys au bras ; Sa pareil' n'y a pas y etc. Et quand l'écho des rochers répétait les derniers sons, Jeanne frisson nait dune religieuse terreur qui n'était pas sans charmes, s'imaginant entendre la voix claire et frêle de la bonne fade se marifer à la sienne, et saluer le lever de la lune, cette Hécate gauloise que les druidesses re doutaient d'offenser, vengeresse terrible des impudiques et des parjures. Jeanne ne connaissait ni les mots ni les époquës auxquelles se rappor taient ses croyances vagues et profondes. Elle savait seulement, par sa mère, qu'il y avait eu autrefois des femmes saintes qui, vivant dans le célibat, avaient protégé le pays et initié le peuple aux choses divines. Ces prêtresses se confondaient dans son interprétation avec les fades : et l'on dit encore, dans les endroits couverts de pierres druidiques et de grottes consacrées jadis aux druidesses, les fades et les femmes indif féremment. Le curé Alain assurait que du temps de Charlemagne, les évêques et les magistrats avaient été encore forcés de fulminer des me...

À propos

Le Constitutionnel fut un quotidien politique sur quatre pages, fondé par Fouché et une quinzaine d’actionnaires, pour la plupart contributeurs du journal. D’abord bonapartiste, il s’agissait d’un organe puissant jusqu’à la naissance du Second Empire, rassemblant bonapartistes, libéraux et anticléricaux. Marqué par la personnalité d’Adolphe Thiers, le journal rendait compte des informations diplomatiques européennes, mais discutait également de l’actualité politique française.

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