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Le Constitutionnel, 30 mai 1844

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Le Constitutionnel
30 mai 1844


Extrait du journal

par M. deYillèle. Toute la presse de l'opposition s'était prononcée contre la mesuré. M. Laffitte croyait la mesure bonne, et il la dé fendit. Il était alors hors de la chambre, c'était l'époque de la grande réaction royaliste. Ses idées , hautement manifestées, fi rent une sensation très-vive ; si elles ne détournèrent pas le cours de l'opinion publique, qui repoussait systématiquement toutes les œuvres du ministère déplorable, elles préparèrent, du moins, pour des temps meilleurs, le retour àdes idées plus saines et à un système financier plus intelligent. Ajoutons, pour être j us tes envers le pays, qu'on ne sut gas mauvais gré à l'honorable banquier de ce dissentiment si franchement exprimé, et que dès que l'occasion fut offerte à l'opinion nationale de prendre une éclatante revanche, M. Laffitte retrouva son siège à la chambre. On sait quel fut son rôle à la révolution de juillet. Sauf les ennemis avoués de cette révolution, il n'est personne qui ne rende un éclatant hommage à son dévoûment, à sa loyauté, à son sangfroid, pendant la crise des trois jours. M. Laffitte, dans une heure de découragement et de tristesse, a demandé pardon à Dieu et aux hommes, de la part qu'il avait prise à ce grand événement. Les déceptions qu'avait éprouvées son ame lui ont surpris ces tris tes et amères paroles. Non, ce n'était pas là le fond de sa pensée; non cet homme, si dévoué aux libertés populaires, n'a pu sérieu sement regretter ce que 1830 a emporté. Non, il n'a pas déchiré de ses mains son plus beau titre de gloire, l'acte qui lui fait, dans la mémoire du peuple et dans l'histoire de son pays, une [>lace immortelle. Donnons au langage du vétéran de l'opposition e seul sens qu'il comporte. Le patriotisme de M. Laffitte avait éprouvé de cruels mécomptes : il s'indignait à voir le travail des hommes du lendemain, et ses griefs n'étaient pas tous sans fon dement, car si la France a conquis l'ordre et la paix au dedans, elle n'a pas encore aujourd'hui cette grande attituae vis-à-vis de l'é tranger que les hommes de,1a révolution avaient rêvée pour elle. Il regrettait les imperfections de l'œuvre qu'il avait si hardiment commencée, mais certes ce n'est pas lui qui eût voulu la briser. Fions-nous au temps, fions-nous à nos institutions, fions-nous au pays, pour ramener le gouvernement issu de juillet dans la voie où'la révolution de juillet s'était placée. Les fautes d'un ministère, si graves qu'elles soient, ne sont jamais irréparables dans un pays qui a le plein exercice du gouvernement représentatif, et qui a les ressources infinies de la France. Il nous reste à dire quelques mots du ministère de M. Laffitte. On peut aujourd'hui, à une distance de plus de treize années, jufer cette époque presque avec l'impartialité de l'histoire. Quand I. Laffitte a été ministre, le pouvoir s'était déplacé : il ne résidait ni dans les chambres qui faisaient les lois, ni dans le ministère qui devait les faire exécuter. Le pouvoir était dans les masses, maîtresses de la rue et de la place publique. Il fallait jouir d'une immense popularité pour contenir et maintenir la multitude, et pour conserver à la société une apparence d'ordre. C'étaient de rudes temps que ceux-là ! et nous aurions voulu voir nos rogues docteurs de gouvernement, nos prôneurs d'impopularité, attelés à l'œuvre qu'entreprit courageusement M. Laffitte ! Le dévoué pa triote ne recula pas devant une tâche ardue. Grâce à lui. grâce à La Fayette, le gouvernement put dominer assez l'effervescence po pulaire, pour que le procès des ministres de Charles X ne se aénouât pas d'une manière funèbre, et qu'une tache de sang ne vînt pas souiller le triomphe de la révolution ! De tous les services...

À propos

Le Constitutionnel fut un quotidien politique sur quatre pages, fondé par Fouché et une quinzaine d’actionnaires, pour la plupart contributeurs du journal. D’abord bonapartiste, il s’agissait d’un organe puissant jusqu’à la naissance du Second Empire, rassemblant bonapartistes, libéraux et anticléricaux. Marqué par la personnalité d’Adolphe Thiers, le journal rendait compte des informations diplomatiques européennes, mais discutait également de l’actualité politique française.

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