Extrait du journal

messieurs n'en faisant jamais, à ce qu'on dit. La maison de M. Lannion, qui est Suisse, est dans le canton protestant. Le château, qui porte aussi le nom de Valtravers, et dont je vois.les lumières de ma chambre, est sur le canton catholique, et appartient à une dame française qu'on dit très hautaine, et qu'on appelle la du chesse de Malmaison. Pourquoi hautaine, pourquoi Française, et pourquoi en Suisse ? Je n'en sais rien. Il y a eu ces jours-ci comme une me nace de guerre civile entre les deux can tons. Les catholiques ont prévu la collision, et, étant les plus nombreux, ont fait les conditions. Ils recherchent partout le chef révolutionnaire protestant. Il est d'o rigine italienne, et a servi au premier rang, parmi les mille de Garibaldi. Il se nomme le colonel Penco. On dit que, s'il est arrêté, on le mettra à mort. Me voici donc dans la fournaise des haines. Et moi qui étais venue ici, pour entendre le ranz, et bo re du lait! Il m'intéresse ce Penco ! d'abord, parce qu'il est révolutionnaire, et que je trouve qu'il y a bien à dire aux choses de partout, et ensuite parce qu'il est condamné. N'importe, je ne me suis pas déplacée pour écouter des fusillades, et si la guerre éclate, je retournerai à Paris. Paris est mort. 17 octobre. Ils sont excellents ces Lannion ! Ce matin nous étions à déjeuner avec le ministre. Nous prenions le thé orthodoxe. La fenêtre de la salle à manger laissait entrer les fraîcheurs balsamiques du grand panneau des Alpes qui ferme le paysage. Le beurre était exquis, la conversation gaie, autant qu'elle peut l'être chez des protestants. Subitement, une ombre noire traverse la croisée, et un homme entre dans la salle. — Livrez-moi! dit-il, je suis le colonel Penco!...