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Le Figaro, 15 novembre 1931

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Le Figaro
15 novembre 1931


Extrait du journal

Tout le monde voudrait que s'atté nuât, et le plus vite possible, le chô mage qui devient inquiétant en France. C'est entendu. Mais tout se passe comme si les difficultés du problème soulevé par le manque de travail n'étaient pas sans plaire à l'opposition qui dans toutes les mesures envisagées ou déjà prises trouve une occasion de protester. Parmi les critiques de l'extrême gauche, il en est qui procèdent de cette volonté de créer parmi les masses des sentiments artificiels de révolte, de les aigrir et, dans l'espèce, d'exaspérer d'un orgueil de caste la misère des chômeurs. A la Chambre vendredi, dans le Populaire hier matin, nous avons trouvé un exemple de ce besoin de compliquer les problèmes en éveillant chez l'ouvrier des susceplibilitâs que.dans~son intérêt, il faudrait au contraire calmer si elles existaient. • Précisons : après cent quatre-vingts jours le chô meur cessait naguère d'avoir droit à un versement de fonds par les caisses municipales. La crise a rendu nécessaire la prolongation de ce délai de six mois. L'Etat intervient alors et donne une subven tion, distribuée par les bureaux de bienfaisance (c'est là, rappelons-le, que pendant la guerre les allocations étaient versées aux femmes dont le mari était au front ; elles ne s'en trouvaient point humi liées). Or voici que commence une campagne de presse et de tribune. « Cette allocation est inaccep table ! » On persuade l'ouvrier qu'il n'est pas de sa dignité d'aller à ce guichet-là ; il doit exiger une autre caisse. A celle de l'entresol, il touchera son dû ; il exercera un droit ; au rez-de-chaussée, cet argent — qui bien entendu est toujours celui du même contribuabl paye-toujours — devient bles sant. « C'est de l'assistance ; c'est la charité ! » s'écrient les théoriciens de gauche. Singulier dis tinguo d'une rhétorique à l'aise. Etrange façon de comprendre « l'égalité dans la misère ». Mépris imprévu jeté sur tous les pauvres diables qui sont forcés de recourir aux allocations provenant de pa reille source. Ces vieillards, ces infirmes, ces indi gents pour lesquels on plaidera bientôt, à l'heure ries surenchères du budget, seront-ils abaissés désor mais au rang de capitalistes infréquentables ? En tout cas, voici étrangement délimitées par les socia listes et les socialisants deux classes nouvelles, qu'un jour, sans doute, on dressera l'une contre l'autre. Mais en admettant même un moment le point de vue de nos démagogues, un tel détail peut-il être pris en considération quand il y a — comme ils le répètent justement tout en-perdant les heures et les jours — extrême urgence ? L'organisation de ces allocations n'est-elle pas provisoire ? Préparet-oh donc des émeutes pathétiques où l'ouvrier sans travail, au nom de « mensonges conventionnels s>, d'un nouveau genre, protestera ' contre l'odeur de l'argent qui lui sera remis ? Sans doute, le procédé réprouvé s'éloigne des systèmes anglais ou allemand si favorables à la révolution grâce à la ruine des pays qui les emploient. Le chômeur ne cherche ni cette ruine, ni cette révolution. Il ne s'inquiète pas de subtilités qui ne sont pas de saison. Il accep tera la faible allocation qui remplacera son salaire, avec raison, sans joie, mais sans phrase. Si le sujet n'était pas si triste, ne croirait-on pas, en effet, à quelque lamentable plaisanterie ? Quoi ? la crise crée des misères qu'il faut soulager. L'Etat organise des secours. Et voici que les seuls, les vrais, les défenseurs professionnels des travailleurs voudraient les leur faire refuser, inventant un protocole et dis tinguant entre la bonne caisse et la mauvaise. Comme si tous les guichets n'étaient pas pareils, comme si les caisses où le Français est le plus mor tifié n'étaient pas peut-être celles où il va non pas toucher mais donner de l'argent, tant d'argent ! aux percepteurs. Une caisse publique est une caisse publique... L'opposition prétend n'accepter pour les travail leurs que des secours de solidarité. Pourtant, quand il s'est agi de faire payer la cotisation ouvrière par les patrons du Nord, cette solidarité prit exactement des airs d'assistance, sans faire reculer les meneurs de grève... Pour l'instant, tant de délicatesse suprême ne va qu'à créer une difficulté nouvelle parmi tant d'autres, à jeter un motif de haine parmi les Fran çais divisés, à décharger de toute reconnaissance l'ouvrier vis-à-vis de la société « coupable », même quand elle fait son devoir, à mener enfin la lutte antisociale. L'intérêt du travailleur fût-il en jeu, cette guerre-là n'admet pas d'armistice....

À propos

En 1854, quatorze ans après la disparition du petit journal subversif du temps de Charles X, Hippolyte de Villemessant relance Le Figaro. Paraissant d’abord sous la forme d’une petite feuille de chou littéraire, Le Figaro absorbe L’Événement en 1866 pour devenir, sans transition, le grand quotidien conservateur que l’on connaît. Dès les années 1880, il abandonne la cause du monarchisme pour adhérer aux principes républicains.

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