Extrait du journal

Il est du sang de Swift, l'ardent auteur de Gulliver et du Conte du Tonneau, de ce sang impétueux et généreux que la colère faisait jaillir en images rutilantes, refoulait ensuite vers le cœur en irrésistibles élans de pitié et de sympathie. Octave Mirbeau est de ces génies impressionnables que toute note douteuse, toute faute d'harmonie naturelle exaspère, que nul, jamais, n'asservit ni ne dompte, dont la férocité se repent soudain si elle reconnaît son erreur, dont l'ardente affection se dessèche aussitôt si elle découvre en son objet la moindre hypocrisie. Car l'hypocrisie est le grand levier, le grand excitant de ce terrible et bon pamphlétaire, l'hypocrisie sous toutes ses formes : mondaine, politique, artistique, Il voit, dans leur crochetage sordide, les attaches des masques contemporains, masques si nombreux, comiques ou tragiques, que les spectacles ne sont plus au théâtre, mais dans ia rue, dans le salon, au palais ou à lu, tribune, qu'il n'est plus de fonctions, ni de devoirs, ni de métiers : rien que rôles, attitudes et apparences, et que nous circulons éveillés parmi des fantoches gonflés de son et de boue fétide....