Extrait du journal

Chacun sait que, depuis quelques années, >6 métier de ministre est complètement dénué d’agrément. Devenir ministre, c’é tait jadis le rêve entrevu, l’espoir loin tain longuement et amoureusement ca ressé. Mais, Dieu merci, nous avons changé tout cela; et, depuis que, dans notre pays de France, il est de mode d’assimiler les ►ministres aux pires criminels et de les traiter comme les derniers des derniers, il n’est pas de mère si dénaturée qui vou lût souhaiter pour son tils une si lâcheuse destinée. aussi, voit-on les crises devenir chaque année plus fréquentes et les constitutions de cabinet plus laborieuses. Des ambD tieux avérés, des affamés de pouvoir, qui naguère eussent fait à cloche-pied le tour des fortifications pour être simplement sous-secrétaires d’Etat, font aujourd’hui mille façons pour accepter le moindre bout de portefeuille. En vérité, le temps est proche où, pour avoir des ministres, il faudra leur assurer dans l’avenir non seu lement des compensations, des honneurs et des félicités sans nombre,mais qui sait? peut-être une petite place dans un bon coin du Paradis—le coin des anciens ministres. Et, de leur part, ce ne serait vraiment pas trop exiger ; car, entre nous, l’emploi n’est guère tenable. Si encore on leur lais sait de temps en temps quelques jours de répit ; s’il existait pour eux une Pâque ministérielle — une trêve des confiseurs ! Mais non, ce serait apparemment trop beau, et personne n’ignore que, lorsqu’on est ministre, ce n’est point pour s’amuser. Je sais bien que des âmes naïves se di sent : « Bah! voici le temps des vacances; pendant trois mois nos ministres vont pou voir en prendre à leur aise. » : Et, de fait, à l’heure présente, le Luxem bourg est sans mystère et le Palais-Bour bon sans voix. Interpellations, questions, projets de loi, amendements, tout a été en fermé dans les tiroirs, avant de tirer les verrous. Les lions amoureux, les interpellateurs farouches, les orateurs habitués à vaincre avant d’avoir parlé, les jeunes tribuns et les vieux sont allés, suivant l’u sage, se retremper dans le sein de leurs électeurs. D’autres se dirigent vers les villes d’eaux et les plages à la mode; on se les montre au casino; les petits chevaux et les mondaines se les disputent. Les dis cussions législatives sont oubliées. Mon sieur le Député cherche à plaire, et par fois il y réussit. Mais si nos représentants ne s’ennuient pas durant les vacances ; s’il est doux pour un père de famille et même pour un céli bataire de présider un Comice agricole, de s’entendre qualifier d’homme d’Etat ou de grand citoyen devant un arrondissement assemblé ; si l’été, en un mot, offre à nos honorables un choix varié de satisfactions publiques et privées, il n’en va point de môme de nos malheureux ministres qui, à défaut d’interpellations et de discussions politiques, voient, avant les vacances, com mencer pour eux un supplice nouveau. ' En temps de vacances, un ministre ne J s'appartient plus ; il n’a plus la libre dispo sition de son être ; il est à tout le monde, à vous, à moi, au monsieur qui passe, à la dernière des municipalités qui s avise de le requérir et de lui assigner rendez-vous ■chez elle. Juillet, août et septembre sont, ien effet, le temps des inaugurations ; il faut donc qu’en ces trois mois de l’année, MM. nos ministres inaugurent... h- Qu’ils inaugurent quoi? — Mais tout: un canal, un bassin, une fontaine, une route, une exposition. Il y a toujours quelque...