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Le Petit Marseillais, 6 février 1910

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Le Petit Marseillais
6 février 1910


Extrait du journal

-^uiment parler de l'histoire du passé juand celle du présent est si poignante, juand nous venons de voir se renouveler ïous nos yeux les spectacles lamentables lui terrifièrent nos pères autrefois et dont !a science contemporaine se flattait d’avoir à jamais conjuré le retour ? Un pays im mense envahi par les eaux, les habitants affolés fuyant devant elles, de vastes quar tiers transformés en mers et ravagés par des ouragans, les rues d’une brillante ca pitale s’effondrant çà et là, des maisons menaçant de tomber en ruines, quelquesunes s'écroulant, voilà ce que nous avons vu, ce que nous ne nous attendions pas à voir, ce qui probablement nous eût fait rire si, par avance, quelqu’un flous l’eût prédit et ce qui nous a ramenés pour quel ques jours, — jours de malédiction et d’horreur, — aux temps biblique du Déluge. Assurément, il y avait eu déjà de grands cataclysmes : inondations, tremblements de terre, chutes de cités, choléra, peste... Mais le théâtre en était isolé ; la catastro phe restait locale, tandis que cette fois le fléau s’est porté sur des espaces immenses et telle a été sa fureur que, même quand il semble prendre fin, nous restons angois sés et, devant la misère et les périls qu’il laisse après lui,nous nous demandons quel les en seront les suites. C’est donc, à vrai dire, une grande et sombre page de l’his toire de l’humanité que les événements sont en train d’ajouter à celles qu’ils ont déjà fournies à travers les siècles et je suis dans mon rôle d’historien en complétant ici, de quelques traits, les récits qui portent en ce moment jusqu’aux extrémités du monde le tableau de nos malheurs. Si quelque chose cependant pouvait atté nuer les impressions sinistres dont les Ames sont hantées, c’est la merveilleuse manifestation de charité et de dévouement à la souffrance humaine, à laquelle ces malheurs ont donné lieu et la joie de se dire que tout le monde a fait son devoir ; oui, tout le monde, car les quelques faits qui tendraient à prouver le contraire et dont je parlerai plus loin ne constituent que des exceptions dont la honte retombe sur leurs auteurs. Du plus grand au plus petit, les pouvoirs publics et l’initiative privée, les prêtres, les soldats, leurs chefs, les particuliers, les riches, les pauvres et, parmi ceux-ci, ceux mêmes qu’on était obligé de secourir, ont eu leur part dans ce déploiement d’énergie secourable et de compassion féconde. On ne saura jamais complètement jus qu’à quel point a été poussé l’héroïsme in dividuel et les véritables miracles opérés par la pitié des âmes pour l’infortune d’autrui. *0n ne les connaîtra pas complè tement, d’abord parce qu’ils sont trop et ensuite parce que ces sauveteurs de tout sexe et de toute condition, dont nous igno rerions la conduite si elle n’avait eu pour témoins les sauvés, ne tiennent pas à des louanges. J’en sais même qu’elles offense raient, parce que, disent-ils, ils n’ont fait que leur devoir. Saluons donc ces héros qui souhaitent l’obscurité et laissons à ceux qu’ils ont secourus le soin de leur rendre nominativement hommage. Entre autres traits touchants, il en est cependant que je veux mentionner. Dans un des quartiers de la banlieue de Paris où le fléau a semé tant de germes de mi sère, une centaine de pauvres gens ve naient d’être arrachés à leur demeure. Empilés dans des barques, sur des radeaux de fortune, hommes, femmes, enfants, on les transporta dans un asile de nuit. Quand ils y furent réunis, quand on leur eut dis tribué la soupe autour d’un poêle, on vit un vieillard se lever. — Mes amis, dit-il, nous voilà à l’abri. Mais il y en a d’autres plus malheureux que nous. Je vais faire la quête pour eux. Et le voilà, sa casquette à la main, fai sant le tour de l’assistance. Il réunit ainsi S francs 35, qu’il alla remettre à une Dame de la Croix Rouge venue là pour veiller à l’installation. Je ne sais rien de plus touchant que ce souci d’assistance frater nelle chez un pauvre pour plus pauvre que lui. Voici un autre de ces traits de même nature, qui mériteraient qu’on instituât un Livre d’or pour les y inscrire. Je le cueille dans la lettre suivante, que m’écrit une jeune veuve américaine établie à Paris, où elle consacre à des œuvres de charité sa vie et sa fortune. La sachant inondée, je m’étais emquis de ses nouvelles. Voici ce qu’elle me répond :...

À propos

Fondé en 1868 par Toussaint Samat, Lazare Peirron et Gustave Bourrageas, Le Petit Marseillais était le plus grand quotidien de Marseille, affichant un tirage de plus de 150 000 exemplaires en 1914. D'abord républicain radical, le journal s'avéra de plus en plus modéré au fil des ans. Dans un premier temps très local, il fut l’un des premiers journaux à publier dans la presse des récits de procès judiciaires sensationnels dès 1869, avant de s’ouvrir aux actualités internationales.

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