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Le Petit Marseillais, 7 février 1910

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Le Petit Marseillais
7 février 1910


Extrait du journal

La. catastrophe aura toujours eu un bon J résultat : c’est de nous rendre contents de J nous-mêmes. Nous nous congratulons, que c’est ù ne pas y croire. Pour moi, je ne cesse de verser des larmes de tendresse en lisant les beaux discours où l’on nous pro clame les premiers du monde et où l’on déclare ïi la postérité stupéfaite qu’il n’y eut jamais, sous le firmament, un peuple aussi héroïque et aussi admirable. Je n’en doute pas. J’en doute d’autant moins que je prends ma part de gloire tout en cherchant où elle se trouve. Les prome nades en automobile do nos autorités constituées témoignent sans doute d’un rare dévouement ; mais, puisque nous sommes si sublimes, j’aimerais assez à l’entendre dire par les autres, car se louer soi-même est toujours un tantinet ridicule, ne fût-ce que pour rendre hommage à la vérité. Les autres ? Mais, me dit-on, ils en con viennent. Est-ce que tous les peuples ne nous envoient pas leurs tributs de condo léances et d’admiration ? Quelques-uns y joignent même de l’argent. C’est une poli tesse qui se fait toujours ; mais on nous assure qu'elle revêt celte fois un caractère tout spécial. Et je crois, Dieu nie par donne, que le président de 1s. Chambre avait les yeux humectes alors qu’il esquis sait le tableau du profond amour de toutes les nations et de tous les gouvernements pour la France et pour sa République. Je suis trop bon citoyen pour ne pas en être en joie, et cela nous console démesuré ment. Il paraît que, sans trop nous le dire, le monde était dans l’enthousiasme de notre conduite politique depuis un demi-siècle. Enthousiasme contenu en de justes bornes. Jamais, sans nous en aper cevoir, nous n’avons été aussi grands. Car nous avons la vraie grandeur, colle de l’urbanité. Nous avons su conserver la paix. Mon Dieu ! ce n’était peut-être pas bien malin de conserver la paix. Encore fal lait-il y songer. Le procédé est des plus simples. Il consiste à donner tout ce qu’on vous demande et à faire tout ce qu’on vous dit. Avec cela on obtient une tranquillité assurée. Autrefois, cela ne s’appelait pas de la grandeur ; cela s’appelait simple ment de la sagesse, de la prudence et, parfois, d’un mot plus vulgaire. Mais qu’importent les mots ? On nous aime, que cela n’est pas croya ble. Eli ! comment ne nous aimerait-on pas? Nous ne savons que faire pour obliger les gens. Il faudrait vraiment que les gens fussent bien méchants pour nous en vou loir. Il ne nous en veulent point. Au con traire. 11 n’est sorte de galanteries qu'ils ne cherchent pour nous manifesrer leur estime. Entendons plutôt ce ministre alle mand, à Berlin, recevant, pendant que nous étions sous l'eau, nos peintres 1rs plus académiques, tous brûlant du désir de ko prosterner devant Guillaume et d’en accepter toutes sortes d’Aigies noirs. (( Je savais, a dit le diplomate, que les Français sont toujours les plus gracieux des hommes. » N’avons-nous pas poussé la grâce jus qu'à envoyer là-bas le grand sculpteur de Quand même et de Gloria Viclis ? Char ger celui-là de faire amende honorable et...

À propos

Fondé en 1868 par Toussaint Samat, Lazare Peirron et Gustave Bourrageas, Le Petit Marseillais était le plus grand quotidien de Marseille, affichant un tirage de plus de 150 000 exemplaires en 1914. D'abord républicain radical, le journal s'avéra de plus en plus modéré au fil des ans. Dans un premier temps très local, il fut l’un des premiers journaux à publier dans la presse des récits de procès judiciaires sensationnels dès 1869, avant de s’ouvrir aux actualités internationales.

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