Extrait du journal

Puis, tout à coup, souriant, l’air égaré, les yeux vagues : — Tu sais quelle est ma maladie? — Pas encore lit Gauthier en hésitant. — La folie, mon ffls... oui... figure-toi... Je deviens fou ! Gauthier contemplait, avec une profonde douleur, cette figure ravagée. Depuis quelques mois, Marignan avait étrangement vieilli. Les épaules s’étaient voû tées, le visage s'était amaigri, les Joues étaient creuses, les yeux, enfoncés, brillaient fiévreu sement, soulignés par un large trait de bistre. I.es gestes étaient incertains, les doigts trem blants, la démarche chancelante. La mort avait mis là, victorieusement, sa première empreinte. Tout au fond de lui-même, sans que rien en apparût sur ses traits, Gauthier souffrait ter riblement du spectacle de celte décrépitude. Car cela, c'était le châtiment, puisque c’était le remords. Et le châtiment, n’était-ce pas son œuvre à lui, Gauthier? Chose singulière, à partir du retour de son fils, Marignan parut recouvrer la santé. Plus de cauchemars, plus de courses dans les campagnes, plus de folle I H reprit les habitudes normales, l’existence régulière d’autrefois. Que se passait-il en lui ? L’épouvante lui redonnait de l'équilibre. Car la présence de son fils, chez lui, appa raissait comme la menace de toutes les heures, comme le fantôme éternel qui lui tirait : — Tu n’as pas fait ton devoir... Et il se révoltait contre cette menace. Faire son devoir, c’est-A-dire livrer au mé...