Extrait du journal

A la condition de ne satisfaire et de ne mécontenter complètement personne, M. de Freycinet peut être demain ce qu’il était hier, le chef de la seule majorité pos sible dans la Chambre actuelle. Le jour où la gauche radicale pourrait dire : « M. de Freycinet est décidément le ministre que j’avais rêvé », l’éminent équilibriste per drait son balancier, et il serait non moins promptement dans la poussière, si c’était l’Union républicaine qui venait à recon naître en lui l’homme d’Etat de son cœur. M. de Freycinet est trop avisé pour mé connaître les lois de sa gravitation au point d’aller perdre sa comète dans celle de M. Ferry. 11 restera, toutefois, quelque chose à re tenir des polémiques auxquelles « l’entre vue des présidents » a donné lieu : c’est que l’idée plus ou moins avouée d’une dissolu tion plus (ou moins prochaine compte de nombreux partisans dans le groupe auquel appartient M. Jules Ferry. Je ne saurais mettre en doute les inten tions patriotiques des partisans de cette mesure extrême, ni la sincérité de leur dévouementàla cause républicaine.Comme eux, je suis frappé des inconvénients de l’instabilité ministérielle ; comme eux, je déplore la difficulté, sinon l'impossibilité, de rencontrer dans la Chambre actuelle une majorité de gouvernement; mais je crains que les mécontentements d’un parti trop impatient de ressaisir le pouvoir, dont il s’était fait une habitude, n’engendrent des illusions qui pourraient exposer la Ré publique à de véritables périls. Nous entendons dire, depuis quelque temps, que la Droite d’une part et les radi caux de l’autre ont perdu beaucoup de terrain depuis les élections du 4 octo bre 1885, et qu'il fallait profiter de cet état de l’opinion pour faire un nouvel appel au suffrage universel. En ce qui concerne le parti radical, c’est se livrer à une pure hypothèse que de sou tenir qu’il a encouru "la disgrâce du peu ple souverain. Ceux qui ont intérêt au dis crédit du radicalisme affirment que le ra dicalisme s’est discrédité par ses fautes. Qu'il ait commis des fautes, je ne le con teste pas ; mais qu'il se soit discrédité dans les collèges électoraux où il n’était pas en minorité, c’est ce qui reste à démontrer. En ce qui concerne la Droite, il est cer tain qu’elle n’a pas répondu aux espéran ces de ses électeurs ; mais si les partis s’amoindrissent par leurs fautes, les fautes de leurs adversaires réparent le plus sou vent le préjudice qu’ils s’étaient causé. Ici, toutefois, les partisans de la dissolu tion sortent des hypothèses pour donner des arguments ; ils invoquent les récents succès électoraux du parti républicain. Je voudrais pouvoir partager l'optimisme que ces succès ont inspiré à quelques-uns de nos amis ; mais la prudence m’oblige à les mettre en garde entre les raisonne ments basés sur les élections partielles. Il ne faut pas nous dissimuler que les milliers d’électeurs qui ont voté pour M. Trystram après avoir voté, quelques mois plus tôt, pour la liste monarchiste, ne sont pas des républicains. Ils appartiennent à cette grande masse d’indifférents qui con sultent avant tout leurs intérêts et qui for ment les majorités en se portant à droite ou à gauche. Ces braves gens votent en général pour le gouvernement établi. Ils veulent avoir des députés influents au près du préfet, auprès du ministre pour obtenir des places ou d s secours, pour faire rectifier la route n° 112, ou recons truire le clocher de Saint-Gucufart. Quand viennent les élections générales,...