Extrait du journal

III Catherine Manchu s'installa auprès de la morte qu’elle voulut veiller jusqu’au der nier moment. Elle avait évité de causer avec Madeleine, mais elle recherchait la solitude avec Jacques. C’est elle qui, ayant apporté le crêpe que le pauvre veuf avait demandé, aida Jacques à en couvrir le portrait de Marceline et le globe sous lequel se trouvait la couronne de fleurs d’oranger do la défunte. Pendant tout ce travail funèbre, Catherine faisait en sorte que sa main rencontrât celle de Jacques, et alors elle lui murmurait tout bas des paroles de consolation. Elle lui par lait avec cette familiarité que l’on conserve pour des camarades d’enfance. Il serrait avec effusion la main qu’on lui abandonnait.. Par un raffinement (le prévenances, Ca therine avait également recouvert d’un crêpe la médaille militaire que le sergent Jacques avait gagnée en Afrique. Et Jacques l’avait remerciée d'un de ces regards dout l’éloquence s’adresse au cœur. Tout ce manège échappait à Madeleine qui, elle, écrivait dans un coin, adressant à Paris le télégramme qui devait lui faire envoyer sa toilette do deuil. La curiosité de Catherine fut mise en éveil par cette dépêche. — Tiens, fit-elle en s’approchant de la ta ble devant laquelle Madeleine s’était instal lée, comme tu écris bien, maintenant... Tu as donc appris à Paris, car, autrefois, tu griffonnais... tout comme je le fais encore... Madeleine avait levé ses yeux noyés de grosses larmes et son regard rencontra le regard fixe de la Manchu, un de ces re gards froids qui vous font mal dans les veines... Mais la sœur de Marceline avait continué à écrire, et Catherine Manchu, qui suivait...