Extrait du journal

Notre ministre des finances a droit à line récompense nationale ; et il n’y en aura jamais d’assez belle ni d’assez riche. Car il vient tout bonnement de solutionner ce problème de la quadra ture du cercle qui, depuis si longtemps, se posait devant nous sous ces termes : « Demander plus à l’impôt et moins aux cc-itnbuables. » Son essai loyal d’impôt sur le revenu a démontré catégoriquement (du moins le garde champêtre de l'endroit l’a déclaré, et, quand l’autorité a parlé, il la faut croire) que, dès que cet impôt serait appliqué, tout le monde serait dégrevé, autrement dit qu’on ne paie rait plus d’impôt. On cherchait l’impôt idéal : le voilà bien l Qu'est-ce que vous avez à dire à cela ? Peut-être allez-vous demander com ment on s’y prendra pour ne plus tou cher d’argent et pour en avoir tout de même autant dans le Trésor. Ce n’est pas votre affaire ; et, puisqu’on vous promet qu’en ne vous prenant plus rien on en aura tout autant, tenez-vous pour satisfaits. Quel temps plus que le nôtre fut fer tile en miracles ? Voilà la pierre philo sophale trouvée. C’était l’impôt sur le revenu. S’en est-on donné du mal inu tile pour arriver à alléger ces pauvres contribuables ! Mais ce sont les choses les plus simples sur lesquelles on ne met jamais la main. Imposez le revenu, et personne ne paiera plus rien. N’est-ce pas admirable ? Je ne m’étonne pas que ceux qui ont assisté à la petite opération ou répétition générale, en soient revenus dans un enthousiasme qu’on n’avait plus revu depuis les prodiges accomplis par Jésus en Galilée. On s’accostait dans la gare et l’on se disait : « Vous ne savez pas ? Nous avions cru jusqu’ici que, en subissant un nouvel impôt, il nous faudrait donner plus d’ar gent. Eh bien I nous n’étions que des Jmbéciles.Nous venons d’apprendre que le propre de cet impôt mirifique c’est qu’avec lui nous paierons moins qu’auparavant. Et il rentrera autant de fonds que par le passé. Voilà qui est merveil leux l Est-ce malheureux tout de même qu’on n’ait pas découvert cela plus tôt l » A la vérité, ce n’est qu’un essai ; et je ne sais pas si vous l’avez remarqué, mais les essais réussissent toujours. Quand votre tailleur vous essaie un habit, je ne comprends pas comment ces braves gens s’y prennent, mais il vous va à ravir. Il ne fait pas un pli, et vous vous dites avec satisfaction : « Mon Dieu, que je vais être bien mis l » Vous n’êtes pas plus tôt tout seul que c’est une tout autre tournure ; et vous découvrez mille défauts, qui vous avaient complètement échappé. C'est pourquoi il est possible que le résultat ne soit pas aussi surprenant qu’on l’imagine ou, pour mieux dire, que, à l’application définitive, la sur prise change de place. Au lieu d’être dégrevé, comme on nous l'assure, de 07 pour cent, nous serions aggravés d’un petit supplément, qu’il faudrait le sup porter d’une âme énergique et virile. Les meilleures choses ne fournissent pas tou jours tout ce qu’on en attend. Il y a des tours de passe-passe qui ratent malen contreusement. On ne saurait en vou loir au physicien, s’il ne fait pas sortir du chapeau tout ce qu’il vous a déclaré y être. D’autant plus qu’il savait fort bien que cqla n’y était pas. Et vous aussi d’ailleurs. A l’impossible nul n’est tenu. Et j’es time, pour ma part, que les électeurs seraient mal venus, de reprocher à un ministre de leur demander plus d’ar gent, alors qu’il s’était engagé à boucler les dépenses en diminuant le chiffre des...