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Le Petit Marseillais, 11 mars 1907

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Le Petit Marseillais
11 mars 1907


Extrait du journal

La mode étant aux enquêtes, une revue vient de poser cette question à ses lec trices : « Quelle profession préférez-vous? » La grande, la très grande majorité a répondu : « Nous voulons être femmes de lettres. » D’autres se voudraient doctores ses ou avocates, très peu infirmières, actrices, coiffeuses, couturières. C'est que la femme n’est plus aujourd’hui « cet ani mal charmant qui s’habille, babille et se déshabille », dont se moquait autrefois un misogyne dépourvu de galanterie. Sans doute, elle s'habille toujours et se déshabille encore, babille de son mieux mais elle a aussi d’autres occupations moins frivoles et des préoccupations, nées de la bataille pour la vie, qui la poussent à tout entreprendre, à tout envahir, à lutter contre l’homme en lui prenant ses propres armes et à le bat tre souvent. Elle est devenue pour lui un rival, presque un adversaire qui tra vaille à le chasser de son domaine et de ces positions qu’il croyait définitivement conquises. Elle est, d’ailleurs, dans son droit et n’exerce que de légitimes représailles. L’homme a commencé ; comme le nègre, il continue. De ses robustes mains, il manie les étoffes soyeuses qu’il étale avec art pour le plaisir des yeux, les den telles délicates, lés plumes et les fleurs ou, penché sur une cliente, il l’aide, d’un geste qui semble caresser, à essayer des gants. C’est à lui que les élégantes deman dent leurs robes **, Mimi Pinson on mous taches, il confectionne des corsages et des jupons. Alors, voyant la force se substituer de plus en plus à l'adresse, la femme a pour suivi la revanche de l’adresse sur la for ce. Elle a cherché, parmi les emplois réservés jusqu’à ce jour aux envahisseurs, ceux qu’elle pourrait remplir, et, laissant de côté les besognes qui exigent des mus cles trop solides, elle s’est bravement atta quée aux autres. Nous avons eu d’abord les femmes typographes, puis les femmes fonctionnaires, dont quelques-unes, celles notamment qui président aux services téléphoniques, semblent se faire un malin plaisir d’exercer notre patience. Beaucoup ont pris un pied dans les bureaux du com merce, de l’industrie, où elles expédient la correspondance, et ont eu vite fait d’en prendre quatre. Après quoi, découvrant, ce dont j’imagine qu’elles se doutaient depuis longtemps, que leur intelligence valait bien, à tout prendre, la nôtre, elles accordèrent leur attention aux carrières libérales. Avec obstination, elles réclamèrent le droit de plaider et celui de guérir ; elles finirent par vaincre les résistances,tourner ou briser les obstacles, imposer leurs revendications, après tout raisonnables, et nous eûmes des avocates en même temps que des doctoresses, mais peu. Le bar reau, qui semblait devoir leur conveitir surtout, ne les attire guère. Elles ont bien cependant les qualités essentielles de l’avocat qui sont la facilité de la parole, une sorte d’abondance oratoire, une absence de convictions durables ; mais peut-être Lamennais avait-il raison : « Je n’ai, disait-il, jamais rencontré de femme en état ‘de suivre un raisonnement pen dant un demi-quart d’heure ». Et une plai doirie dure plus longtemps....

À propos

Fondé en 1868 par Toussaint Samat, Lazare Peirron et Gustave Bourrageas, Le Petit Marseillais était le plus grand quotidien de Marseille, affichant un tirage de plus de 150 000 exemplaires en 1914. D'abord républicain radical, le journal s'avéra de plus en plus modéré au fil des ans. Dans un premier temps très local, il fut l’un des premiers journaux à publier dans la presse des récits de procès judiciaires sensationnels dès 1869, avant de s’ouvrir aux actualités internationales.

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