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Le Petit Marseillais, 25 septembre 1894

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Le Petit Marseillais
25 septembre 1894


Extrait du journal

plutôt qu’il marche sur le plancher, ayant moins l’air d’un être en os et en chair que d’un corps spiritualisé. Tout petit qu’il est, le Saint-Père est d’une singulière majesté quand,au jour des grandes solennités de l’Eglise, on le porte à travers les corridors de son palais, ou bien encore lorsque, assis sur son trône, il ouvre et ferme la bouche des nouveaux cardinaux. il est curieux de voir avec quelle force le Saint-Père supporte les longues cérémonies Î[ui éprouveraient des prêtres beaucoup plus orts que lui. Pendant les années mémorables des deux jubilés, alors que toutes les nations de la terre apportaient leurs tributs à ses pieds et que les pèlerins, les ambassadeurs et les princes remplissaient les antichambres du Vatican, il n’était pas rare que le Saint-Père, négligeant les ordres de son médecin, donnât audience pendant six ou huit heures consécu tives. Et ce ne fut que lorsque le dernier grand pèlerinage fut parti, et que Rome eut retrouvé son calme habituel, que Léon XIII donna des signes de lassitude. Souvent, longtemps après que tous ses domestiques sont retirés et que chacun croit qu’il repose tranquillement, un œil indiscret pourrait le surprendre priant, lisant, formant de nouveaux plans, ou bien encore révisant l’une ou l’autre de ses éloquentes Encycliques dans lesquelles se révèlent avec tant de force son intelligence des questions publiques, sa ferveur chrétienne, sa sagesse diplomatique et son goût exquis pour la littérature. Son valet de chambre,dit-on, a tressailli plus d’une fois en le trouvant, le matin, â génoux faisant ses prières. Et c’est par toutes ces qualités de foi, de persévérance, d’abnégation et de sollicitude éclairée pour tout ce qui touche à son œuvre, que Léon xm, qui dirige la chrétienté depuis aix-sept années, dix-sept ans, dit le cardinal Gibbons, d’efforts persévérants, d’une patience merveilleuse, d’une résistance digne, de pro grès édifiant et de conquête spirituelle, a pu regagner tout ce qui avait été perdu et relever la puissance morale, politique et religieuse de la chrétienté catholique. Chronique Parisienne RUINES En plein Paris, le long d’un de nos quais les plus fréquentés,presque en face des ver dures [mondaines, en train de s’effilocher en bandes rouillées, du jardin des Tuileries, au cœur de la cité dont le brouhaha des voitures ne permet pas d’entendre le tictac, je sais une forêt vierge en miniature, un petit bois sauvage et inexploré, un lam beau de terre inculte, où mille bêtes incon nues à nos parterres policés errent en liberté. Tout autour et au-dessus des pierres, d’un rose fade par devant, d’un noir sale par derrière, s’équarrissant en pilastres, s’arrondissant en voûtes romaines, s’éta geant par architectures symétriques, c’est l’innombrable grouillement de la vie. Un palais en ruines garde ce bocage désert qui, à l’abri des averses automnales et des premières gelées blanches, a gardé son feuillage sombre piqué, çà et Ià,copime par des pointes d’émeraude, il est malaisé de voir d’où ces arbres prennent racine , mais leur cime est visible à tous les pas sants de la chaussée, leur cime où des moi neaux, reclus là comme de bons moines dans leur abbaye , piaillent leur office joyeux, secouant leurs plumes en boule, avec une indicible expression de bien-être et de sécurité. C’est, vous dis-je, un des plus curieux spectacles du Paris actuel ; mais l’intérêt, dans le monde hâtif des citadins, est tou jours fait de surprises, et, comme ce tableau s’est improvisé lentement, sans que per sonne y prit garde, personne non plus ne s’arrête aujourd’hui à le regarder. Je vous le signale pourtant à vous tous qui venez faire dans la grande cité votre voyage de vacances, et je vous engage à aller voir ce qui reste de l’ancienne Cour des Comptes, sur le quai d’Orsay, les fron daisons étonnantes qu’y ont apportées des germes et des graines semés dans le vent, la revanche qu’y prend la nature partout opprimée dans nos squares tirés au cordeau, les merveilles de pittoresque qu’y a enfan tées l’abandon de toute culture, cet étrange et immense squelette qui semble rongé par des mousses intérieures, par des lichens pendus à ses côtes décharnées. Allez voir ! Allez voir la vie obstinée aux entrailles de la mort, l’immense renouveau...

À propos

Fondé en 1868 par Toussaint Samat, Lazare Peirron et Gustave Bourrageas, Le Petit Marseillais était le plus grand quotidien de Marseille, affichant un tirage de plus de 150 000 exemplaires en 1914. D'abord républicain radical, le journal s'avéra de plus en plus modéré au fil des ans. Dans un premier temps très local, il fut l’un des premiers journaux à publier dans la presse des récits de procès judiciaires sensationnels dès 1869, avant de s’ouvrir aux actualités internationales.

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