Extrait du journal

La période électorale bat son plein. Les candidats font des promesses. Les électeurs demandent des garanties. Les premiers sont peut-être dans leur rôle. Les seconds sont certainement dans leur droit. On comprend de reste qu’ils tiennent à l’exercer. Ils sont payés pour être mé fiants. Ils en ont tant entendu de ces pro messes, proches cousines du billet ù La Châtre, lis en on,t tant lu de ces pro grammes, qui ont duré ce que durent sur les murs les affiches électorales : pas toujours l’espace d’un matin. Si le scepticisme leur est venu, il ne faut pas s’en étonner. Aussi bien le spectacle écœurant de tant d’illustres palinodies, de tant de voltes faces intéressées a produit ses fruits naturels. Il n’a pas été une des moindres causes du discrédit où sont tombées les institutions parlemen taires. Conclure du particulier au général est une méthode qui est périlleuse, mais séduisante. Le suffrage universel ne s’est pas fait faute de l’employer. Les torts do quelques-uns ont été impu tés à tous. La méfiance, qualité essen tiellement démocratique, s’est dévelop pée. Mais au môme moment par un phénomène aussi naturel qu’illogique, les citoyens qui avaient conçu do leurs représentants une défiance souvent jus tifiée, se sont emballés sur le nom d’un homme. Il est do l'intérêt de tous, élus et électeurs, il importe surtout au régime républicain que cet état d’esprit ne persiste pas. Le jour où l’électeur se persuaderait que le député qu’il nomme peut tout à son aise le berner, mentir aux promesses faites, déchirer les pro grammes signés, quelle vertu conti nuerait-il d’attacher au bulletin de vote, à l’exercice de ses droits électoraux ?...