Extrait du journal

de l’eau, assis sur un pliant, les panta lons retroussés jusqu’aux genoux,- te nant un parapluie d’une main et de l’autre un roseau. Il restait là des heu res entières et pêchait consciencieuse ment, avec un sérieux imperturbable, simulant les émotions du pêcheur à la ligne et retirant de temps en temps son fil, au bout duquel était accroché un poisson en fer blanc. La foule s’assemblait et daubait fer me sur la municipalité. Un mois après, la place du Capitole était pavée à neuf. —o— La saison des bains de mer suit de près l’ouverture de la pêche ; déjà tout Parisien qui se respecte songe à faire ses malles, et le plus grand succès de librairie est, en ce moment, l’indica teur des chemins de fer. Connaissez-vous le monsieur qui n’a pas encore choisi sa station estivale, et qui, deux mois avant son départ, com mence à étudier l’indicateur, à prendre des notes, à faire des additions sur des petits bouts de papier, qu’il serre soi gneusement dans son portefeuille ? Puis, vient le tour du Bottin, qui lui fournit les noms des divers hôtels. Le Monsieur se décide enfin pour Fouilly-les-Oies ou Notre - Dame-lesBains ; il écrit alors à tous les hôtels du pays pour demander le prix de la pen sion; il compte qu’on lui fera des avan tages exceptionnels, car sa situation à Paris lui permet de faire de la réclame pour la maison et de lui envoyer de nouveaux clients. Et le jeu des petits papiers continue de plus belle ; le Monsieur note les heu res de départ et d’arrivée de tous les trains, calcule le prix de son séjour et du voyage, sans oublier la voiture qui le conduira à la gare, le pourboire pour les bagages, les cinquante centi mes do journaux pour la route, etc... ; il inscrit ensuite tous les objets qu’il doit emporter, et cela fait encore deux ou trois listes : liste de la malle, liste de la valise, carton à chapeau. Enfin, neuf fois sur dix, le Monsieur aux petits papiers finit... par rester à Paris. Mais il a eu, pendant deux mois, l’illusion d’un voyage charmant et cela lui suffit. S’il part, soyez certain qu’après avoir pâli, des nuits entières, sur l’indicateur et sur ses listes, il manquera le train ou il oubliera les objets les plus indis pensables. F. Mobisson....