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Le Soleil, 14 juin 1899

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Le Soleil
14 juin 1899


Extrait du journal

C’est il y a quelques mois à peine, que l’un des nôtres s'avisa de demander que l’Etat protégeât la conservation des beaux sites, tout comme il protège les monu ments historiques contre le vandalisme. La proposition reçut bon accueil, mais je ne sais pas si une suite efficace lui a été donnée, et si une association s’est formée pour poursuivre la campagne commencée. En tout cas, l’initiative ainsi prise ne sera pas vainc, car elle répond à un sentiment de l’opinion, et voilà qu’obéissant à la même préoccupation, la Société populaire des beaux-arts, dont le but est non seulement de créer aux artistes des débouchés pour leurs ta bleaux, mais encore de vulgariser les choses d'art, de développer le goût du public, a appelé l'attention sur les rava ges de la publicité dans les champs et à travers les sites qui longent les routes et les voies ferrées. Le fait est que dans ccs derniers temps on abuse de la réclame en plein air, et qu’elle vient offenser nos yeux en pleins champs, déshonorant des coins délicieux, ne respectant ni les arbres ni les points de vue. Certes,les propriétaires ont le droit d’autoriser l'industrie privée à solliciter la clientèle par des images, dos affiches, à la condition, toutefois, que ni les unes ni les autres n'offensent ni ne blessent le regard. Or, les yeux sont véritable ment fort mal impressionnés par cer taines réclames qui dénaturent le pay sage, détruisent son pittoresque. Et, malheureusement, cet abus poursuit le touriste sur les cimes Us plus élevées, dans les recoins les plus solitaires. Je soutiens qu’on n’a pas le droit de blesser de la sorte le regard d’un voyageur qui a quitté Paris pour admirer la belle nature, respirer l'air, et de l ussaillir à chaque instant par des monstruosités qui révol tent son goût et le font souffrir. Au mo ment où tout le monde va s’en aller de côté et d’autre, la question est d’actua lité à coup sûr. Malheureusement, elle est soulevée un peu tardivement, et ce n’est pas cette année qu’on en profitera. 11 est même douteux que l’an prochain elle produise son effet, car, à raison de la venue des étrangers, les commerçants, les industriels pourront demander qu’on ne les trouble pas dans leurs moyens de propagande. Au demeurant, il ne s’agit pas d’inter dire la publicité en plein air, mais tout simplement d'exiger de ceux qui en font usage de n’enlaidir ni nos paysages, ni nos rues. Or, pour obtenir ce résultat, il suffirait de subordonner les autorisa tions à l’examen de commissions qu’il serait facile de former et de faire fonc tionner. Tel était, d’ailleurs, l’usage adopté jadis par les grands-voyers de France. Et c’est ainsi que, particulière ment dans les villes, il était interdit de suspendre une enseigne sans qu’elle eût été examinée par qui de droit. A cette époque, on respectait les monuments, les édifices privés, et l’on sc souciait de l’effet décoratif que pouvait produire telle ou telle modification apportée aux perspectives. Qui ne se rappelle comme on a, au contraire, éclaté de rire quand quelques méchantes langues ont mani festé des inquiétudes en faveur de la perspective du dôme des Invalides ? C’est qu’à Paris, nous nous habituons à tout, et que nous sommes en train d’y perdre souvent le bon sens, le jugement, et ce goût très raffiné et très sûr qui fit notre gloire. La Société populaire des beaux-arts fera donc bien de ne pas con sacrer seulement ses efforts à la ban lieue, mais de se soucier aussi de ce qui se passe entre les quatre murs des for tifications. C’est à Paris que la publicité est devenue réellement d’une extrava gance inouïe. Elle sc fourre partout, sur les murs les plus élevés, sur les tuyaux de cheminée, dans les endroits les plus discrets ; partout elle nous arrête, elle nous affole par les tonalités les plus criantes, les audaces les plus inouïes. Souvent, on souffre de ces fantasma gories de couleurs, comme on est au supplice en subissant les symphonies...

À propos

Fondé en 1873 par Édouard Hervé, Le Soleil était un quotidien conservateur antirépublicain. Avec son prix modique, il cherchait notamment à mettre la main sur un lectorat populaire, audience qu'il n'arrivera toutefois jamais à atteindre du fait de ses orientations politiques. Le succès du journal fut pourtant considérable à une certaine époque, tirant jusqu'à 80 000 exemplaires au cours de l'année 1880.

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