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Le Soleil, 24 septembre 1883

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Le Soleil
24 septembre 1883


Extrait du journal

LES DANGERS DE LA MER Encore une lamentable catastrophe maritime, aussi navrante qu'inattendue et faite pour montrer qu'on ne prend ja mais trop de précautions avec la mer, même sur les plages les plus sûres. Trouville doit être classée parmi les sta tions balnéaires où les accidents sont rares, presque inconnus. Il arrive par fois que des cadavres viennent échouer, au plein, dans les parages, depuis Etrotat jusqu’à Cabourg. Ils sont entraînés là par les courants qui sillonnent cette partie de la Manche et qui les roulent ainsi pendant une vingtaine de lieues. Il Il y a deux ans, j’ai des raisons pour m’en souvenir, une barque de SaintVaast coula vers la pointe de Réville. Trois personnes étaient à bord, un vieil lard avec son petit - fils tout jeune et un maître au cabotage, qui dirigeait l’omharcalion. Le vieillard et l’enfant furent rejetés par la mer, au bout de quel ques jours ; quant au capitaine, un mois après le naufrage, la lame roulait son cadavre sur la grève d’Etretat. Les baigneurs devraient tous se sou venir de ceci, qu’il n’y a rien de plus traî tre que la Manche. Il y a des courants partout, et irrésistibles. A l’ouest., le raz Blanchard, à l’entrée du passage de la Déroute, est la terreur des marins dans les mauvais temps. Formé par ce que l’on nomme le nez de Jobourg,qui avance dans la mer sa pointe terrible, il roule sur des rochers sous-marins qui s’éten dent jusqu’à des lieues au large et mon tre sa ligne d’écume blanche sur la mer bleue, même par les temps les plus cal mes. Plus dans l’est, à l’autre extrémité du département, le raz de Gatteville, toujours visible, même par calme blanc, s’étend en droite ligne et semble toujours prêt à saisir sa proie. Plus à gauche, le cap Lévy compte nombre de méfaits à sa charge. Charybdo et Scylla sont peu de chose à côté de ces abîmes qui, dans les temps disparus, devaient bouleverser les imaginations de nos lointains ancô très et leur faire voir des légions de monstres à l’affût de toutes les proies. Prenez une carte et considérez la Man che, dans ces parages; elle est enfermée dans une sorte de cirque fermé d’un côté par la partie septentrionale du départe ment auquel elle a donné son nom, do l’autre, par une partie du Calvados et do la Seine-Inférieure. C’est ici que la Seine déverse la masse de ses eaux, qui re poussent les eaux de la mer vers Trou ville dont le coteau, ferme presque un des côté de l’estuaire. Les courants, pour n’avoir pas la brutalité foudroyante de ceux que je viens de citer, s’y multi plient, plus forts et plus dangereux, suivant le degré des marées, inoffensifs pour les navires, du moment que le vent est maniable, mais mortels pour les hommes. A l’entrée môme du port du Havre, il y a un courant presque insur montable pour les petits bateaux qui cherchent à sortir, à l'aviron, dans les fortes marées, et surtout quand le vent vient de la mer. S’il était permis de présenter la carte des courants qui sillonnent la baie de la Seine, on ne verrait guère qu’un entre croisement de lignes qui s'embrouille raient, dans tous les sens, courant d’une direction vers une autre, souvent arrê tées au large et contraires de revenir sur elles-mêmes, par suite de la rencontre d’un courant plus fort. Mais ces courants là s’éloignent ou s’avancent, suivant la violence et la direction du vent. Que de victimes n’ont-ils pas saisies, à quelques brasses du rivage, lorsque les specta teurs se trouvaient, et justement en ap parence, dans la sécurité la plus com plète. Hâtons-nous de dire que ccs ca tastrophes-là sont rares, et ducs, pour la plupart à quelques-uns de ces capri ces de la mer, qui échappent à toutes les lois connues. Mais, en dehors de cela, les baigneurs imprudents sont exposés à une foule de surprises, soit par excès de confiance dans leurs forces de nageurs, soit au contraire, par une circonstance soudaine qui fait perdre confiance et sang-froid aux nageurs inexpérimentés. J’ai vu, il y a quelques années, à BcuzcvaJ , un nageur novice se noyer, sous l’œil de centaines de spectateurs, par le plus beau temps du monde. Il n’avait pas d’eau jusqu’aux aisselles, seulement, en cherchant à prendre pied, il se trouva dans une crevasse étroite, mais très lon gue et assez profonde. En appuyant à droite ou à gauche, il se sauvait, au lieu de cela, à bout de forces, il perdit la tête, marcha droit devant lui, dans le fond de l’écore et fut perdu, sans qu’il fût pos sible de lui porter secours. Les deux jeunes gens qui viennent de se noyer à Trouville ont dû périr de la même manière ou à peu près. On me dit qu’avec quelque bonne volonté de la part des maîtres baigneurs il eût été facile de les sauver. Si cela est vrai, les baigneurs de ce calibre-là devraient être remerciés sans délai ; et l’on comprendra difficile ment, d’ailleurs, que, sur une plage...

À propos

Fondé en 1873 par Édouard Hervé, Le Soleil était un quotidien conservateur antirépublicain. Avec son prix modique, il cherchait notamment à mettre la main sur un lectorat populaire, audience qu'il n'arrivera toutefois jamais à atteindre du fait de ses orientations politiques. Le succès du journal fut pourtant considérable à une certaine époque, tirant jusqu'à 80 000 exemplaires au cours de l'année 1880.

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