Extrait du journal

éloquente et aussi bienfaisante expression. Nous souhaitons que ce discours ait beaucoup de lec teurs et réveille beaucoup d’échos. On se rappelle l’œuvre puissamment féconde pour la République et pour la patrie, que la Li gue de l’enseignement a accomplie. C’est elle qui; par la voix de Jean Macé et de ses collabo rateurs, a propagé dans tout le pays, ce grand mouvement en faveur de l’obligation, dé la neu- . tralité confessionnelle et de lagratuité de l’école. Les lois scolaires auxquelles il a fini par abou tir, grâce à Jules Ferry, malgré des erreurs et des excès en sens contraire, resteront l’honneur de la troisième République et le palladium de notre démocratie aussi bien contre les violences de l’anarchie en déliré que contre les réactions de l’esprit du passé. Cette grande victoire rem portée, on pouvait considérer la tâche de la Li gue comme terminée et plusieurs croyaient qu’elle n’avait plus qu’à se dissoudre. Ce n’a pas été l’ayis des hommes de cœur et de raison qui la dirigent. L’instruction des enfants jusqu’à treize ans est assurée. Mais de treize à vingt et un comment ées écoliers, en train de devenir des hommes, c’est-à-dire ides soldats, des citoyens et des pères de famille, garderont-ils ce qu’ils ont acquis à l’école et l’appliqueront-ils à leurs be soins et à leurs devoirs? Telle est la nouvelle tâche, tâche aussi grande, que nécessaire, que la Ligue s’est assignée et qu’elle veut tenter de remplir. C’est le prolongement de la première. 11 s'agissait des enfants; il s’agit maintenant des adultes. Par toute espèce d’enseignements libres et privés, organisés par l’association des bons citoyens, cours et conférences du soir, lectures publiques, fêtes de la jeunesse, projnenades, gymnastique, apprentissages, etc., les promo teurs veulent aider les jeunes gens à développer leurs forces physiques pour devenir de vigou reux soldats, leurs forces intellectuelles pour être de bons travailleurs, leurs forces morales pour être enfin d’excellents citoyens. . M. Léon Bourgeois a exposé l’urgence etl’é. tendue de cette œuvre nouvelle dans ùn langage aussi juste qu’impressif : Dans sa lente et douloureuse ascension, l’humanité n’atteint un sommet que pour en voir, devant elle, s’en élever d’autres plus hauts et plus radieux. L’égalité civile conquise en 1789 n’était que la préface de l’éga lité politique et du suffrage universel ; le suffrage uni versel exigeait l'instruction universelle ; celle-ci n’est rien si l’éducation morale et civique ne vient pas la compléter et rendre féconde. Et l’Etat républicain est en péril si la souveraineté, qui est à tous, n’est pas aux mains d’hommes dignes et capables d’en porter le noble fardeau. L’Etat, messieurs, ne peut cependant se charger de cette tâche. C’est à l’instruction privée, à la libre acti vité des bons citoyens qu'il appartient de l’entrepren dre. Et c’est aux citoyens que s’adresse, en effet, la Ligue ; à tous les hommes de bonne volonté elle de mande de se grouper et de s'entendre, de fonder des associations, do créer des bibliothèques, des cours, des centres de conférences, des patronages. Elle n’entend se substituer à personne, mais promet à tous ceux qui tenteront quelque chose ses conseils, son concours moral et son appui matériel. Il faut savoir gré à l’ancien ministre de l’ins truction publique, tandis que tant de ses amis radicaux coquettent avec le socialisme, d'avoir si nettement déclaré que cette œuvre d’éduca tion mutuelle ne pouvait être faite par l’Etat et qu’il fallait faire appel comme la Ligue à l’ini tiative des bons citoyens. Mais il y a bien autre chose à louer dans son discours. L’orateur a vu et dit avec non moins d’énergie et de justesse les conditions morales d’une véritable et bien faisante rénovation politique. Dans sa bouche, une déclaration comme celle-ci nous semble avoir du prix : «L’autorité intérieure, a-t-on dit, doit avoir le pas sur l’autorité extérieure ; cela signifie que les lois ne sônt rien sans les mœurs et que toutes les révisions des constitutions poli tiques seront vaines, tant que la révision delà constitution intellectuelle et morale de chacun ne sera pas accomplie.» Voilà une réflexion qui n’étonnera pas nos lecteurs. Pour n’être pas nouvelle, elle n’en est pas moins excellente. Si les radicaux la faisaient à leur tour, peut-être que leur zèle pour les agitations de surface et de forme se modérerait, que leur fétichisme pour les abstractions politiques s’éclairerait et qu’ils apercevraient mieux dans quel sens doi vent se diriger les efforts de tous les vrais répu blicains pour servir efficacement la cause du progrès démocratique. Citons encore cette page non moins opportune : Messieurs, si nous regardons de près aux conditions du problème, nous reconnaîtrons bien vite qu’elles sont désormais non pas seulement d'ordre politique, mais d’ordre intellectuel et moral. C’est à l’enfant, c’est à la conscience de tous, grands et petits, puissants et humbles, riches et pauvres, satisfaits et révoltés qu’il s’agit de s’adresser désormais, et c’est là précisément ce que peut faire, mieux que toute organisation publi que, une association libre, désintéressée comme la nôtre, dont le bien public est le seul but et la vérité le seul guide. Les esprits ont besoin, hélas I d’hygiénistes et de médecins comme les corps. Quelles belles batailles, messieurs, il y a à livrer contre les maladies des es prits I Que de préjugés à combattre, à détruire I C’est le préjugé de classe qui pousse certains ouvriers à voir dans tous les patrons des égoïstes, comme il pousse certains patrons à voir dans tous les ouvriers des mécontents. Qui de vous, sans aller plus loin, ne côn...