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Le Temps, 5 novembre 1898

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Le Temps
5 novembre 1898


Extrait du journal

DEUX ORDRES DU JOUR On sait que le parti radical s’est.divisé, à la Chambre, en deux groupes distincts : le groupe de la gauche radicale ou gauche démocratique, et l’extrême gauche ou groupe radical socia liste. Ces deux groupes ont délibéré, hier, cha cun de son côté, sur l’attitude qu’il leur con: viendra d’adopter à l’égard du ministère Dupuy. Ces deux délibérations ont abouti à des conclu sions absolument contradictoires. La gauche démocratique trouve dans la composition de ce ministère des garanties qui la rassurent pleine. ment, mais qui laissent subsister toutes les in quiétudes du groupe radical socialiste. En con séquence, la gauche démocratique s’est décla rée résolue, en principe, à soutenir le cabinet Dupuy, tandis que le groupe radical socialiste ne croit pas pouvoir lui accorder sa confiance. Ainsi les deux groupes radicaux de la Cham bre entrent nettement en antagonisme sur une question capitale.. Il nous semble que cette rup ture est une bonne fortune pour le ministère Dupuy et un événement politique de très grande importance. On s’était habitué, dans ces der nières années, à opposèr en bloc le parti radical au parti républicain progressiste. Cette concep tion était justifiée en apparence par l’examen des scrutins qui ont eu lieu sous les ministères Bourgeois etMéline. Mais pour qui veut aller au fond des choses, il est clair que ce classe ment n’était pas le seul possible, ni même .peutêtre le plus conforme à la vérité politique. En effet, si le parti républicain progressiste est solidement uni par un corps de doctrines commun, le parti radical au contraire n’a ja mais eu cette discipline ni cette cohérence. En réalité, il y a un parti progressiste, mais il y a deux partis radicaux, et la répartition des radi caux en deux groupes parlementaires n’est point l’effet du hasard ni d’arrangements personnels, . mais représente et résume une différence pro fonde. Les radicaux sans épithète, qu’on appelle quelquefois aussi les radicaux, de . gouverne ment, les membres de la gauche radicale ou gauche démocratique, ne sont en somme que des républicains ün peu trop pressés ou parfois un peu attardés. D’une part, ils admettraient volontiers, en matière fiscale par exemple, des réformes hâtives et insuffisamment mûries ; d’autre part, ils continuent d’être hantés de temps en temps par quelques vieux spectres hors d’âge et ils acceptent encore quelques préjugés qui n’ont plus cours. Mais ils profes sent une fidélité sans réserve à tous les principes de 1789, et ils sont donc en accord sur l’essentiel avec les progressistes. Les radicaux-socialistes, au contraire, ont beau rejoindre par un trait d’union les deux vocables dont l’assemblage compose leur éti quette, ils ne sont guère que des socialistes mal déguisés. Us. prétendent bien, du bout des lè vres, maintenir certains droits à la propriété in dividuelle ; mais ils sont disposés à lui porter de tels coups qu’il n’én resterait plus que l’ombre. D’ailleurs, s’ils sont encore séparés théorique ment des socialistes proprement. dits par une vague subtilité de casùistes, ils s’accordent avec eux sur toutes les questions immédiates. Ils ont le même langage, la même clientèle et les mê mes haines. Personne ne peut être surpris dé voir leurs bulletins se confondre avec ceux des révolutionnaires. Mais les radicaux de gouver nement s’égaraient dans la compagnie de ces deux groupes extrêmes, dont ils ne partagent ni les idées ni les passions, et ils se conformeront „ beaucoup plus exactement à leur programme et à leurs affinités naturelles en se rapprochant des républicains progressistes. Le ministère de conciliation, qui a rendu pos sible ce nouveau classement des partis, en sera naturellement le premier bénéficiaire. L'ordre du jour de défiance de l’extrême gauche rend donc un précieux service aü ministère Dupuy : elle le définit avec précision; elle lui épargne la peine d’établir lui-même les limites de ses in tentions conciliantes, de faire, comme on dit, la coupure. Elle est faite aujourd’hui, juste à l’en droit que l’on souhaitait. Ceux que l’on avait envie d’exclure se sont exclus spontanément. Le terrain est maintenant déblayé, et les deux frac tions de la majorité, réunies dans un sincère désir d’entente et de collaboration cordiale, sont en mesure de travailler utilement pour le bien de la République....

À propos

Le Temps, nommé en référence au célèbre Times anglais, fut fondé en 1861 par le journaliste Auguste Neffzer ; il en fit le grand organe libéral français. Il se distingue des autres publications par son grand format et son prix, trois fois plus élevé que les autres quotidiens populaires. Son tirage est bien inférieur à son audience, considérable, en particulier auprès des élites politiques et financières.

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