Extrait du journal

Elle appartient à la race de ces jeunes intellectuelles russes, sortes d'ardentes apôtres, un peu déséquilibrées, un peu malades, que MM. Maurice Donnay et Lucien Descaves ont si joliment appelées « oiseaux de passage »... Quelque relation de hasard, ou simplement une lecture, a jeté dans leur esprit le germe qui s'y doit développer. Elles deviennent nihilistes, anarchistes, ou, pour le moins, révolutionnaires. Elles s'imaginent défendre la cause de l'humanité, sauver l'avenir de leur patrie, en anéantissant les suppôts du « tsarisme » et, d'une façon quelconque, tous les instruments de ce régime abhorré. Et, comme ce sont des femmes, c'est-à-dire des êtres nerveux, prêts à s'enflammer et qui ne s'arrêtent jamais à mi-chemin, elles apportent à l'accomplissement de leur mission plus de ferveur encore que leurs camarades masculins. Elles tuent avec un sang-froid qu'égale seule leur sérénité devant la mort. Elles sont comme détachées des choses terrestres, il semble que ce soit une force invisible et mystérieuse qui arme leur main. Evidemment, elles croient accomplir une oeuvre sacrée d'affranchissement et de justice. Elles s'y dévouent, elles y sacrifient leur jeunesse, leur bonheur personnel, leur vie......