Extrait du journal

Si loin que je remonte dans mes souvenirs, j'ai toujours observé que le dimanche était un jour d'inaction, de farniente. J'habitais, étant enfant, un petit village du Midi, et je me rappelle ces très douces impressions dominicales. Quand je les évoque au fond de ma mémoire, je revois la silhouette de ma grand'mère, coiffée d'un chapeau noir, son châle en pointe bien tiré, sans un pli (depuis la mort d'un mari aimé, elle n'avait pu se résoudre à quitter le deuil. C'étaient les moeurs de l'ancienne France). Dès l'aube, la chère créature, le paroissien en main, se hâtait vers l'église. Elle y retournait l'après-midi, car elle était fort pieuse. Entre la messe et les vêpres, tout le monde, à la maison, se reposait, sauf, pourtant, la cuisinière, qui nous fricotait un déjeuner fin. Après quoi, l'on s'asseyait sur une haute terrasse, ornée d'un ormeau centenaire, — notre orgueil, — au bord de la Dordogne, et l'on regardait couler l'eau, les hommes lisant ou discutant politique, les femmes tricotant des bas de laine. L'on recevait aussi la visite des métayers; ils arrivaient, dans la raideur empesée de leurs rudes chemises blanches, de leurs habits sortis de l'armoire, le imatin, et soigneusement brossés....