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L’Univers, 24 février 1889

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L’Univers
24 février 1889


Extrait du journal

II On s'étonne que les terres, en France, baissent de prix ; c'est le sujet dé toutes les conversations. Autrefois cette préoccupation ne fût pas venue. La vente d'une terre était en effet fort rare, une décadence de famille. Les tenures seigneuriales ou villa geoises demeuraient dans les familles. La vente du domaine paternel était une honte. Soiis ce régime de stabilité, la terre était sans prix. Il y a encore des pays dans le Nord de l'Europe où l'on trouve difficilement une maison à acheter. En France, depuis un siècle, le contrat de vente régit tous les inté rêts, comme principe de changement et d'instabilité. Et si tout le monde s'inquiète de la diminution de valeur de la terre, c'est que chacun songea une vente avantageuse, et compare son prix d'achat au prix actuel. Si tout le monde cherche à vendre, il est naturel que personne ne veuille acheter, ou n'achète qu'à des prix dé risoires. Le revenu des terres baisse par la concurrence étrangère, l'absence des propriétaires, l'émigration rurale, l'instabilité des intérêts agricoles. Il n'y a plus de richesse reconnue que l'or et l'argent. Les créances, les det tes sont tenues pour des richesses. Telles sont les doctrines de l'économie politique, aujourd'hui triomphante dans l'Etat et dans toutes les écoles. Sous un régime de stabilité rurale, la notion de la richesse est tout autre. Elle réside dans les biens de la terre, et le grand propriétaire n'en consom me pas plus qu'un autre. Mais il a le loisir et l'indépendance pour s'occuper de la chose publique. En dépensant ses revenus surplace, il s'attache de plus en plus les habitants et reste leur guide politique. Alors les cultivateurs sont protégés. Avec le système des économistes, ils courent le risque d'être absorbés par le grand propriétaire. La constitution du bien de famille les met à l'abri. Et si, dans quelques circonstances, ils ont besoin de crédit, les -propriétaires de la contrée le fourniront, pour main tenir dans la campagne une classe ru rale prospère. La présence du grand propriétaire est essentielle au régime agricole. On se plaint, dans certains pays, que des étrangers, juifs la plu part,établissent des débits de boissons dans les villages et ruinent les pay sans. S'il y avait quelques propriétai res indépendants, ils prendraient l'ad ministration du village ; ^ar leurs rapports journaliers avec les paysans, ils les détourneraient de s'adresser à des gens suspects, et organiseraient eux-mêmes les moyens de satisfaire au goût des paysans dans une mesure raisonnable. Mais tout cela n'est pos sible que par un régime de stabilité et de transmission intégrale. On s'imagine trop facilement que tous les hommes sont capables de se conduire. C'est un bruit que font cou rir nos politiciens,qui comptent sur la crédulité des masses.S'il en était ainsi, nous n'aurions besoin ni de gouverne ment ni d'ordre social. La vérité est que la société ne repose en partie que sur des faiblesses qui réclament un soutien, et sur des incapacités qui ont besoin d'être guidées. Ces inégalités déterminent les institutions nécessai res de famille, et les différents patro nages qui surgissent çà et là parle cours du temps. La Révolution sait ce qu'elle fait en créant l'instabilité des campagnes. Un {>roverbe qui court les rues, c'est que a fortune est plus difficile à conser ver qu'à gagner. C'est une vérité fa cile à vérifier : un homme énergique fonde une maison; mais son fils, élevé plus mollement, n'a plus ses goûts simples et son âpreté au travail. Avec lui, la fortune est exposée ; s'il a sous la main l'emprunt, la vente, il est à craindre qu'il ne cède à la tentation ; le père quia fondé un bien de famille sauve son héritage et conserve un morceau de pain à ses enfants. Gesyentes, ces liquidations enrichis sent les politiciens. Mais le paysan peut-il s'adonner à tous les métiers? Et peut-il cultiver la terre dans des conditions de sécurité et d'aisance re lative ? Où veut-on que se réfugient les multitudes qui désertent la cam pagne? Elles s'engouffrent dans les villes où elles augmentent le nombre des vagabonds, des pauvres, ou font une concurrence désastreuse à la classe ouvrière, déjà trop nombreuse et sur menée par la concurrence. Le gouver nement est-il en sécurité à Paris? N'y a-t-il pas, par la masse des intérêts in stables qui s'y agitent, uno menace constante de révolution nouvelle ? On disait : IL n'y a pas de danger que Pa...

À propos

Fondé en 1833 puis suspsendu en 1860, L'Univers réapparaît sous le Second Empire, toujours sous la direction du même homme, Louis Veuillot. Au début de la Troisième République, il est le journal catholique le plus lu en France. Ultramontain et farouchement conservateur, le titre affiche le plus grand mépris pour les républicains, de même que pour les catholiques libéraux. Il cessera de paraître au commencement de la Première Guerre mondiale, avant de tenter une relance en 1917 qui s'achèvera sur un échec : le journal disparaîtra définitivement en 1919.

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