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Tristan Tzara : un Dada devenu stalinien

le par - modifié le 08/10/2021

Dadaïste puis surréaliste dans l’entre-deux-guerres, l’intellectuel né Roumain est devenu, à la suite d’une longue pérégrination intellectuelle et artistique, un cadre « officiel » du PCF de la fin des années 1940. Retour sur une vie faite de revirements et de questionnements.

L’histoire de Tristan Tzara est celle d’un perpétuel mouvement, d’une fuite en avant. L’artiste, de son vrai nom Samuel Rosenstock, est né en Roumanie, mais il quitte rapidement son pays pour Zurich, puis Paris. Son œuvre va évoluer au fil des années. Il est ainsi en Suisse l’un des fondateurs du mouvement dada. Suite à l'essoufflement du mouvement, il se tourne vers le surréalisme, aux côtés d’André Breton ou Philippe Soupault.

Les années 1930 sont une époque de remise en question. En effet, du fait de ses différends avec Breton et parce qu’il trouve les surréalistes pas assez engagés, Tzara se tourne de plus en plus vers le communisme, dont il va peu à peu embrasser la cause.

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Un premier engagement antifasciste

L’évolution politique du poète est assez peu documentée dans la presse de l’époque, et pourtant, dès février 1934, il semblerait bien qu’il entame sa prise de distance avec le mouvement surréaliste, critiquant la position strictement « antipolitique » de Breton.

 Finalement, c’est Tzara lui-même, dans une lettre publiée dans les Cahiers du Sud, le premier mars 1935 qui annonce son divorce. L’écrivain affirme à nouveau sa volonté d’opter pour une poésie engagée, sinon révolutionnaire, et rompt fatalement avec un surréalisme qui considérait l’activité artistique comme une fin en soi :

« La poésie est considérée par eux comme un but en soi, ce contre quoi, en raison même de l'affectation révolutionnaire de celle-ci, je ne saurais jamais assez m'élever. »

Mais ce n’est finalement pas une surprise. En parallèle, il s’est en effet déjà rapproché des communistes. Dès 1932 (comme beaucoup de surréalistes), il devient membre de l’Association des écrivains et artistes révolutionnaires (AEAR), et adhère aussi à la Maison de la Culture, fondée par l’ancien surréaliste devenu communiste Louis Aragon. Un court article dans L’Humanité (27 février) atteste de son soutien au début de l’année 1933, année durant laquelle André Breton, René Crevel et Paul Éluard sont eux exclus du PCF.

L’engagement de Tzara auprès des communistes augmente après son départ du mouvement surréaliste, tout comme sa place dans les colonnes des organes proches du parti. En juin 1935, Commune (la revue de l’AEAR - N°23, juillet 1935) publie son discours (« Initiés et précurseurs ») prononcé au premier Congrès pour la défense de la culture qui s’est tenu à Paris entre le 21 et le 25 juin, où ses anciens amis surréalistes ne sont pas les bienvenus.

Son engagement antifasciste en Espagne le fait encore davantage apparaître dans les colonnes des journaux communistes. En effet, Tzara va ensuite faire partie de ces intellectuels antifascistes partis en Espagne pour défendre la cause des Républicains espagnols pendant la guerre civile. En 1937, présenté comme le correspondant du journal L'Humanité à Madrid avec Georges Soria, c’est dans le cadre de la Maison de la culture qu’il intervient au Palais de la Mutualité, sur Madrid assiégée. Il y dénonce les franquistes et récuse « les prétendues atrocités des républicains »(L’Humanité, 16 janvier 1937).

Il fait ensuite partie des organisateurs du second congrès international des écrivains qui se tient à Valence et dans Madrid assiégée, puis à Paris en juillet. On le voit ainsi sur la tribune honorer la mémoire de Garcia Lorca "assassiné par les rebelles” (Ce soir, 20 juillet 1937). Son discours au congrès sur « L’individu et la conscience de l’écrivain » affirme alors sa foi en l’homme et sa conscience révolutionnaire.

Au même moment, il publie dans Regards un article sur « Les beautés de l’Espagne » qui dénonce la « non-intervention » en Espagne de la France ou de l’Angleterre :

« Devant tant de richesses saccagées, le cœur se serre et nous nous tournons vers les gouvernements démocratiques de France et d'Angleterre auxquels nous demandons, angoissés : “Qu'avez-vous fait de ce beau pays ?”

Et nous nous tournons aussi vers ces pays fascistes où nous savons que des peuples souffrent de l’abaissement dans lequel les gouvernements les ont entraînés et nous leur posons la même question.

Et s'ils ne nous répondent pas, ce sera devant l'histoire qu'ils devront se justifier de cette terrible question qu'aucun bombardement au monde ne saurait effacer. »

En août, il rendra hommage à la photographe Gerda Taro dans Ce Soir. En 1939, au moment où la République espagnole s’effondre, il fait encore partie de ceux qui organisent des collectes pour « sauver les intellectuels espagnols », en se substituant « aux pouvoirs publics une fois de plus. Il faut accueillir ceux qui sont déjà libres d'entre les intellectuels et faire libérer les autres. » C’est donc assez logiquement, qu’en mars 1937, la presse communiste évoque la publication en recueil de sa pièce Le Cœur à Gaz, présentée pour la première fois en 1921.

Que pense-t-il au moment du pacte germano-soviétique en 1939 ? La presse ne nous le dit pas. La suite de son histoire, c’est un engagement résistant avec des poèmes clandestins, et des publications pour les journaux, en particulier dans Les Lettres françaises clandestines. En 1946, Pierre de Massot pour Ce soir reprend le fil de son parcours à l’occasion de la publication de son recueil de poèmes intitulé Terre sur Terre. Le journaliste rappelle ainsi qu’« au début de la guerre, Tzara se retire à Aix-en-Provence. »

« Lorsque les nazis franchissent la zone dite libre, il gagne Toulouse et entre au maquis avec son fils. Il publie clandestinement un poème : ‘Une route, seul soleil’, dont les quatre premières lettres désignent l’U.R.S.S. »

Exilé dans le Lot, lui aussi dans la clandestinité du fait de ses origines juives, Tzara anime le Conseil national de la Résistance pour la zone sud-ouest. Il n’est pas encore communiste mais de plus en plus engagé aux côtés du Parti. A l’heure de l’épuration, il s’attaque ainsi dans Les Lettres françaises au pacifisme intégral de Jean Giono dans un long article intitulé « Le romancier de la lâcheté » :

« Cet habile marchand de mots, marchand de vies humaines, marchand tout court, ce bonimenteur, les écrivains français ont décidé de l'exclure du rang de ceux pour qui le métier d'écrire n'est pas seulement une habileté, mais une dignité, un honneur, une justification, une grâce et surtout une grande honnêteté envers soi-même et les autres. »

Le basculement dans les rangs des militants du parti communiste se fait définitivement en 1947, avec le début de la Guerre froide, au moment où il faut « choisir son camp ». Mais c’est aussi l’année où Tristan Tzara est naturalisé français.

Cette année-là, à la suite de la publication de son recueil de Morceaux Choisis, Tristan Tzara fait un peu plus parler de lui dans la presse. Après les articles sur la lecture-spectacle de La Fuite (écrit en 1940) au Vieux colombier en 1946, c’est bien sûr avant tout la presse d’obédience communiste qui ne tarit pas d’éloge sur le poète, en particulier Les Lettres françaises. Pour l’hebdomadaire dirigé par Louis Aragon depuis la Libération, la poésie de Tzara, qualifiée « d’une richesse exceptionnelle », « s’épanche d’une telle coulée qu’elle atteint parfois, non la perfection, mais une puissance d'envoûtement qui en tient presque lieu » (Les Lettres françaises, 8 août 1947).

L’année suivante l’hebdomadaire communiste réitère en proclamant :

« Tzara occupera demain une place plus grande encore que celle qu’il occupe à l’heure actuelle grâce à son extraordinaire faculté de renouvellement mais aussi grâce à son génie verbal. »

Ce ne sont malgré tout pas que des journaux communistes qui le complimentent. Ainsi, la revue littéraire Les Cahiers du Sud où écrit son ami Jean Caillois, le cite dans un article sur la poésie d’avant-garde en disant :

« Tristan Tzara est demeuré dans le maquis du Lot le précurseur poétique d’il y a trente ans. »

Les critiques négatives se comptent sur les doigts d’une main. En 1946, J. Renaut dans Les Étoiles déconstruit le portrait qui s’est peu à peu formé autour du poète communiste. Pour le journaliste, ce dernier n’aurait « pas la place qu’il mérite comme poète. » L’article insiste alors sur la légende de Tristan Tzara en tant que  « poète difficile » ou « poète obscur ». Le journaliste résume ses propos en disant que les caractéristiques qu’on attribue à Tzara dans la presse pourraient être attribuées à n’importe quel poète doué.

Un article du 25 mars 1948 du journal de la nouvelle centrale syndicale Force Ouvrière, créée au début de la Guerre froide, va plus loin, jusqu’à railler le nom du mouvement fondé par Tzara, qui l’aurait trouvé « en ouvrant un dictionnaire au hasard ». Cet engagement contre le poète n’est sans doute pas anodin. En effet, pour la centrale réformiste née d’une scission de la CGT en 1947 avec l’appui du syndicat américain AFL, l’heure est à la Guerre froide. L’objectif est de contrecarrer l’influence des bolchéviques pur jus.

Une deuxième rupture : l’adhésion au PCF

En devenant communiste, Tzara radicalise ses critiques à l’égard du mouvement surréaliste. Il déconsidère l’engagement de ses anciens amis, attaquant explicitement un André Breton qui s’est exilé aux États-Unis pendant la guerre.

« Ce n'est pas des quais de Brooklyn que nous est parvenue la recette dosant exactement les moyens à employer en vue de conquérir une liberté qui, aussi grande fût son exigence, se réduisait souvent, du temps des nazis, à des concepts humbles, dérisoires, si on les jugeait du haut de la statue de la Liberté. »

Dans cette conférence à la Sorbonne sur « le surréalisme et l’après-guerre », il affirme le principe de « l’interdépendance de l’action et de la pensée révolutionnaire ». Cette soirée du 17 mars, pour le coup, suscite de vives  réactions. Houleuse, elle se traduit même par de courtes bagarres, que décrit le journal résistant Combat  qui parle des  « tumultes » et du « vacarme », causés principalement par les surréalistes, qui crient des « invectives contradictoires ».

Cette prise à partie de Tzara s’explique notamment parce que les surréalistes, Breton en tête, ont soutenu Arthur Koestler, dont le livre Le Zéro et l’infini a été traduit en France et publié par Calmann-Lévy à la fin de l’année 1945. Véritable best-seller racontant avec force détails les purges staliniennes (plus de 200 000 exemplaires seront diffusés en quelques mois), l'ouvrage provoque une contre-offensive de la part du Parti communiste français, qui s’efforce alors de racheter des dizaines de milliers d’exemplaires, tandis que la presse communiste multiplie les articles pour dénoncer les « mensonges » de l’ancien kominternien.

André Breton va plus loin en apposant bientôt sa signature au Figaro Littéraire avec plusieurs autres intellectuels. Pour le magazine littéraire de droite, la littérature ne doit pas prendre position dans les débats du siècle, même si le périodique accueille en réalité nombre de textes de protestation très politiques, en particulier un texte écrit par Sartre et publié le 29 mars 1947 au sujet du « souvenir de Paul Nizan ». Les intellectuels y défendent le souvenir de l’intellectuel autrefois communiste, attaqué par les cadres du parti parce qu’il avait condamné le pacte germano-soviétique et quitté le PCF en 1939. André Breton fait ainsi partie des signataires de la pétition avec Sartre, Beauvoir, Aron, Merleau-Ponty, Mauriac, Paulhan, Camus, Guéhenno ou Soupault.

Déjà, dans un article des Dernières dépêches de Dijon du 2 octobre 1945, un journaliste évoquait les déboires du mouvement surréalisme, avec un Breton semblant vouloir rester aux Etats-Unis :

« En France, l'on sait que Paul Eluard, et, avec moins de décision, Tristan Tzara, obliquent fort vers le chemin de dissidence qu'a tracé Aragon voici longtemps, par son adhésion au parti communiste.

Or l'engagement et l'action civique ne sont pas compatibles avec la nature même du surréalisme. Voilà donc le surréalisme sans revue et sans groupe. »

Dans son compte rendu pour Ce soir du 28 janvier 1948 du livre de Tzara sur Le Surréalisme et l’après-guerre, publié aux éditions Nagel en 1947, le poète, résistant, journaliste et critique d’art Jean-François Chabrun (et alors secrétaire particulier d’Aragon), résume les conclusions de l’ouvrage, et la position de Tzara vis-à-vis des surréalistes à cette date. Pour lui, Tzara a démontré que le surréalisme ne correspond plus à une nécessité historique et que la véritable avant-garde ne peut être qu’avec « les forces de progrès » :

« Comme Tzara. Comme Eluard. Comme Aragon. Comme Guillevic. »

La position de l’ancien surréaliste lors de cette soirée de mars 1947 est bien sûr violemment critiquée par d’autres journaux, y compris à l’extrême gauche, Le 27 mars 1947, c’est le cas du Libertaire, qui dénonce Tzara comme un pantin de Moscou, qui « voulut vanter les mérites nationaux de ses bons amis et profiteurs de guerre Aragon et Eluard, sans s'oublier d' ailleurs. » Le journal anarchiste, qui souligne  « la pauvreté d’esprit des intellos staliniens », publie d’ailleurs son article sous le titre éloquent de « Tzara le faussaire » et conclut :

« Répercussion attardée des dernières directives totalitaires de ‘Moscou la Gâteuse’ (Aragon dixit) sur la littérature et l'art, cet alerte exposé de M. Tristan Tzara nous fait prévoir de magnifiques ‘lendemains qui chantent’. »

Cet ultime acte de rattachement politique vient ainsi parachever un processus en marche depuis de nombreuses années. Le 18 mars 1947, le journal Combat, montrait d’ailleurs bien qu’avant même d’être officiellement encarté, Tzara était déjà catalogué comme un militant de la cause communiste.

Ce que Tristan Tzara communiste, écrit ou dit sur l'art

Ce que dira Tzara sur l’art ou ce qu’il sera dit de l’art de Tzara après son adhésion au PCF révèle alors la forte imbrication de son engagement politique et de sa vie artistique. Désormais communiste, Tzara va devoir écrire sur l’art en communiste.

C’est d’abord dans les Lettres Françaises qu’il justifie à la fois son adhésion au PCF, et donc une écriture engagée par l’action, comme son rejet du surréalisme. Difficile numéro où, sans pouvoir ouvertement critiquer les thèses jdanoviennes du « réalisme socialiste », l’ancien Dada entend malgré tout montrer son indépendance d’esprit. Il est donc sans doute plus facile pour lui de s’attaquer à ses anciens amis, tout en justifiant son engagement politique.

Selon lui, il a été l’un des premiers à « se reprendre » et non à « se trahir », comme l’ont fait les autres surréalistes, qui auraient été « trompés » ou « aveuglés ». Ces derniers sont ainsi décrits comme « impertinents », « enfermés dans l’enclos de la négativité », ne luttant que par les mots en refusant de rejoindre « les hommes soumis à l’oppression économique et sociale » dans leur lutte. Il dit ensuite de manière plus brutale : « seuls ceux qui ont laissé derrière eux le surréalisme peuvent parler le langage de l’espérance », affirmant même que le « surréalisme est angoisse » et que « l’exaltation de l’angoisse n’est que le Munich de l’intelligence », comparant de fait les surréalistes aux traîtres qui par leur inaction, ont mené le monde dans l’impasse en 1938, au moment des Accords.

La position artistique de Tzara est donc fortement défendue par l’hebdomadaire communiste qui publie sa tribune de mars 1947, et valide sa revendication d’une poésie pensée en tant qu’acte politique. Pour Tzara, la poésie « ne serait pas ce qu’elle est si elle n’avait pas été traversée par la guerre d’Espagne, Vichy, ou les accords de Munich. »

La dimension politique que Tzara donne à ses œuvres n’est évidemment pas seulement évaluée uniquement par les communistes. Ainsi, la critique du livre de Tzara sur « le surréalisme et l’après-guerre » par la revue Critique dirigée par un Georges Bataille (dont l’un de ses collaborateurs estimait à cette date qu’à l’égard de l’URSS, « la prudence de Bataille frisait la prise de position favorable »), est reprise et commentée dans les Lettres Françaises. Selon Critique, Tzara simplifie le « drame de l’esprit » en justifiant ses choix « sur le plan politique », « l’esprit ne pouvant se dispenser de déléguer une partie de son autorité au politique ».

Tzara dans Les Lettres françaises et la presse communiste

En tant que personnalité artistique de premier plan, il est dans l’intérêt du PCF d’insister et de mettre en exergue l’adhésion apportée par l’ancien Dada à leur mouvement. En cela, les communistes apportent aussi à l’écrivain une « légitimité nouvelle » qui contribue à renforcer sa notoriété sur le plan militant.

C'est tout particulièrement dans les colonnes des Lettres françaises qu’on va voir Tzara apparaître après 1945. Entre 1944 et 1950, une centaine d’articles mentionnant a minima son nom paraissent dans l’hebdomadaire ; on en compte plus de 60 dans Ce soir jusqu’en 1951, et près de 50 dans L’Humanité. On publie ses poèmes ou des articles de lui, comme le 12 mars 1946, où son poème d’hommage à Robert Desnos, mort du typhus dans Theresienstadt, va de pair avec un article sur « les poètes français et tchèques », que le poète d’origine roumaine termine par cette phrase :

« Unis par le souvenir de leurs morts, les poètes français et tchèques se doivent de continuer la lutte pour la libération de l'homme, à ce moment où la douleur ne cesse que par le combat amorcé à l'aurore d'un monde qui se veut plus juste et plus fraternel. »

Le même numéro fait également l’éloge de la lecture à la radio de « La Fuite », l’un des poèmes publiés peu après dans Morceaux choisis. On retrouve d’ailleurs à nouveau une analyse de ce poème l’année suivante (Lettres françaises, 8 août 1947), accompagnée cette fois d’un portrait de Tzara par Milleret. Le 11 avril 1947, comme pour fêter son adhésion, c'est un autre poème illustré cette fois d’un dessin de Matisse, qui sort dans l’hebdomadaire communiste.

La figure de Tzara apparaît donc à de nombreuses reprises, défendant notamment le Mouvement de la paix naissant aux Assises de Paris en 1950, ou, la même année, le poète Nazim Hikmet persécuté par le pouvoir turc (Les Lettres françaises, 27 avril 1950). Dans le cadre des « Batailles du livre » communistes, souvent en lien avec son action au sein du Conseil national des écrivains, il met également en avant les artistes du Parti, comme Picasso (« Picasso et l’homme à l’agneau »). En 1949, Tzara est d’ailleurs déjà intervenu sur l’art dans l’hebdomadaire, avec un article du 8 décembre (« James Ensor et le défi à la peinture »), qui montre, là encore, que l’intellectuel communiste ne défendait pas stricto-sensus, le réalisme socialiste en art.

L’artiste d’origine slave est aussi partie prenante, dès 1946, d’une volonté politique de rapprochement des intellectuels français de ceux d’Europe de l’Est. C’est notamment le cas en 1946-47, lorsqu’il s’embarque dans une série de conférences sur « la littérature de la résistance en France », et répond à une interview de Jean-François Chabrun sur la Yougoslavie, la Roumanie et la Hongrie  (Les Lettres françaises, 31 janvier 1947). Il évoque dans le numéro suivant la Tchécoslovaquie, en rappelant évidemment le souvenir de Munich :

« Bien sûr. Et je dois dire que l'on y comprend mal le genre de raisonnement suivant lequel Munich ‘ne pouvait peut-être pas être évité’.

Car son attachement à la France est tel que si la Tchécoslovaquie a d'abord souffert dans sa chair de cette trahison, elle a peut-être autant souffert du fait qu'une partie de l'opinion française ait pu l'abandonner en 1938 et même se réjouir d'un tel abandon. »

Ainsi, d’abord dadaïste puis surréaliste, Tzara est devenu, au tout début de la Guerre froide, après une lente pérégrination intellectuelle et artistique, un communiste encarté, un cadre « officiel ».

Son engagement sera cependant remis en cause quelques années plus tard, du fait des événements en Europe de l’Est. De fait en octobre 1956, à son retour d’un voyage en Hongrie, Tzara prendra fait et cause pour l’insurrection de Budapest, en condamnant l’intervention des troupes de Varsovie. En rupture avec la position du PCF, son communiqué  ne sera évidemment pas diffusé dans la presse communiste. Tzara sera alors contraint de quitter définitivement le parti.

Pour en savoir plus :

Notice de Tristan Tzara sur le Maitron en ligne

Claire Blandin, « Les interventions des intellectuels de droite dans Le Figaro littéraire. L'invention du contre-engagement », in : Vingtième Siècle. Revue d'histoire, vol. 96, no. 4, 2007, pp. 179-194.

Cet article a été rédigé par quatre étudiants du campus européen de Sciences Po à Dijon, encadrées par notre collaboratrice l’historienne et chargée de conférences Rachel Mazuy.