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Singuliers conclaves : deux cents ans d’embarras catholique

De l’assemblée des cardinaux tenue exceptionnellement à Venise en 1799-1800 à l’élection-éclair de Pie XII en 1939, retour sur quatre conclaves qui ont fait date au cours des deux derniers siècles… 

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Alice Tillier-Chevallier

Ecrit par

Alice Tillier-Chevallier

Alice Tillier-Chevallier est journaliste indépendante. Spécialisée en histoire, patrimoine et éducation, elle collabore notamment à Archéologia et à la revue Le Français dans le monde.

Publié le

7 mai 2025

et modifié le 7 mai 2025

Image de couverture

Autour du Conclave la foule attend l'élection du Pape, Agence Meurisse, 1922 - source : Gallica-BnF

1799-1800 : l’interminable conclave de Venise

Face aux bouleversements qui agitaient l’Europe depuis le déclenchement de la Révolution française, le pape Pie VI s’était montré bien prévoyant : dès décembre 1797, il avait, par la bulle Christi Ecclesia, inscrit noir sur blanc la possibilité de tenir un conclave ailleurs que dans la Ville Éternelle. Grand bien lui en avait pris : quelques semaines après, en février 1798, Rome était envahie par les troupes françaises, la République romaine proclamée et le pape contraint à l’exil en Toscane. 

C’est là qu’il assouplit encore un peu plus les règles, confiant au doyen du Sacré Collège le choix de la date et du lieu du conclave, à la seule condition qu’il se déroule dans un territoire soumis à un prince catholique, et autorisant les retardataires à intégrer l’assemblée… Autant de dispositions qui seront mises en application à la suite de son décès le 29 août 1799.

C’est finalement à Venise que le conclave s’ouvre trois mois plus tard, le 1er décembre. La Cité des Doges est depuis 1797 et le traité de Campoformio, passé sous domination autrichienne. Pour Le  Courrier des spectacles, ou Journal des théâtres du 12 décembre, le choix de cette ville ne peut que traduire la volonté autrichienne d’influencer l’élection : 

« L’ambition de l’Autriche semble s’accroître de jour en jour. Ce n’est pas seulement le Milanais et Mantoue qu’elle veut réunir à ses États héréditaires ; elle veut garder encore l’État de Venise, le Piémont et la plus grande partie de l’État ecclésiastique.

C’est, sans doute, dans cette vue qu’elle fait tenir le conclave dans ses États, pour pouvoir prescrire au nouveau pape les conditions sous lesquelles elle voudra le reconnaître et l’appuyer. »

Pour assurer l’isolement et la sécurité du conclave, on a choisi l’abbaye bénédictine San Giorgio Maggiore dans la lagune. Encore fallait-il procéder à quelques aménagements… Pendant deux mois, les travaux, financés par l’Autriche, sont allés bon train : des appartements de deux pièces ont été créés pour les cardinaux, des cellules en bois construites dans le grand dortoir pour reste du personnel. Les scrutins eux-mêmes doivent se dérouler dans le chœur d’hiver de l’abbaye. 

Alors que les premiers tours de vote commencent au début du mois de décembre, le cardinal Bellisomi, évêque de Césène, fait rapidement figure de favori. Quelques résultats de scrutins fuitent au dehors : « Le cardinal Bellisomi, de Pavie, a eu constamment vingt voix, et le 27, il en eut vingt-deux ; s’il en avait obtenu deux de plus, il était pape », rapporte  Le Publiciste, le 11 janvier 1800, en s’appuyant sur les informations remontées de Rome quelques semaines plus tôt déjà. Et le journal de pronostiquer :

« On présume que les suffrages se réuniront sur son éminence Bellisomi. » 

Il ajoute néanmoins que « le conclave a demandé de nouveau des vivres pour sept jours. » 

En réalité, le conclave est bloqué. Des alliances se sont formées et ont chacune leur candidat. Face à Bellisomi, un groupe de prélats intransigeants favorables à l’Autriche soutient le cardinal Mattei. Le 4 mars, l’issue du vote est toujours incertaine, comme le rapporte le  Journal des hommes libres de tous les pays : 

« Les nouvelles les plus récentes de Venise marquent que le conclave est toujours fermé ; rien n'annonce encore que l’élection du nouveau pape soit prochaine. » 

Une semaine après,  Le Publiciste renchérit : « Le conclave tient toujours : on ne peut s’y accorder pour l’élection d’un pape. » Cette lenteur,  L’Ami des lois ne se prive pas de la critiquer, comparant l’élection du Pape aux changements constitutionnels intervenus en France à la suite du coup d’État de Bonaparte du 18 Brumaire, soit le 9 novembre précédent :

« N’est-il pas bien remarquable que les cardinaux assemblés en conclave pour l’élection d’un pape emploient presque autant de temps pour se décider sur ce choix qui, certes, n’est pas d’une grande importance dans les circonstances actuelles, que les commissions législatives de brumaire n’en ont mis à faire une constitution ? […]

Cette circonstance nous semble, plus que toute autre, donner la mesure du genre d’esprit des électeurs de Venise, des intérêts multiples qui les divisent et de la petitesse de leurs vues. »

Seule l’émergence d’un troisième candidat finit par départager les deux camps. Après 104 (!) jours de conclave, c’est finalement Chiaramonti, savant et pieux bénédictin de 58 ans, évêque d’Imola, qui est élu – à l’unanimité – le 13 mars 1800. 

Le lieu exceptionnel du conclave impose alors l’adaptation du cérémonial de l’annonce.  La clef du cabinet des souverains le 2 avril n’y voit qu’un pâle succédané de la procédure habituelle :

« On a suivi, autant qu’il a été possible, les formes ordinaires en proclamant le nouveau pape. 

Le premier cardinal-diacre parut à la grande fenêtre du couvent de S. George, et proclama le choix du sacré collège, devant le peuple rassemblé sur la place. Mais le couvent de S. George n’est point le Vatican, et les gondoliers de Venise ne sont point le peuple romain, qui accepte par acclamation l’évêque de Rome. […] 

Aussitôt après cette espèce de proclamation, les cloches de toutes les églises sonnèrent, et l’artillerie de la ville et de tous les bâtiments mouillés dans le grand canal se fit entendre. Dans l’après-midi, le nouveau pontife reçut l’hommage de tous les cardinaux, qui lui baisèrent les pieds et les mains ; les autres prélats et la noblesse furent ensuite introduits. »

L’Autriche lui ayant refusé la basilique Saint-Marc, le nouveau pape, qui prend le nom de Pie VII, est couronné dans l’église San Giorgio Maggiore. Il rentrera dans Rome quelques mois plus tard, le 3 juillet 1800.

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1830-31 : un conclave sur fond de révolutions européennes

Le 14 décembre 1830, le conclave destiné à choisir le successeur de Pie VIII dans une atmosphère d’agitation et de peur, sur fond de complots des carbonari – cette société secrète italienne qui revendique l’indépendance nationale –, et de révolutions européennes multiples. À l’aune de ces bouleversements politiques, la question de la succession du pape semble très mineure, si l’on en croit  Le Sémaphore de Marseille :

« On nous écrit de Rome 3 décembre : le Pape est mort avant-hier au soir ; on ne peut pas s’imaginer avec quelle indifférence cet événement a été reçu. » 

Un observateur à Rome, ajoute le journal, craint que les tensions n’empêchent tout bonnement le conclave de se tenir : 

« Le contrecoup des révolutions qui, depuis le signal donné par la France en juillet, se succèdent dans tous les coins du monde, a retenti si fortement ici, que je ne serais point surpris, quelque absurde que doive paraître d’abord ma prévision, que le Pape actuel n’ait point de successeur, et que nous ne soyons ici à la veille des plus grands événements. » 

Le conclave débute malgré tout, dans un calme relatif. 39 des 55 cardinaux qui composent le Sacré Collège ont pu, à la mi-décembre, gagner Rome. Ils seront rejoints par six autres cardinaux dans le mois qui suit, portant au total le nombre d’électeurs à 45.

C’est au sein de la chapelle Pauline du Palais du Quirinal – l’un des palais pontificaux de Rome qui deviendra la résidence du président de la République italienne – que se déroulent les scrutins.

La presse est à l’affût de la moindre information qui pourrait sortir du secret du conclave. Les premières nouvelles semblent donner l’avantage à un Français, le cardinal Fesch, comme le rapporte notamment  Le Spectateur de Dijon :

« Des lettres de Rome assurent d’une manière assez positive, que la majorité des cardinaux paraît se prononcer pour le cardinal Fesch, archevêque de Lyon, et oncle de Napoléon. »

Mais le Français est vite écarté, tout comme le candidat autrichien, le cardinal Rodolphe. Pour La Gazette de France, dès le 31 décembre, il ne reste, comme « cardinaux papables ou susceptibles de la papauté dans l’opinion publique » que des italiens : ils se nomment De Gregorio, Pacca, Capellari, Oppizoni et Zurla. Depuis le Flamand Adrien VI, éphémère pontife de 1522-1523, aucun pape n’avait été autre qu’italien.

Malgré un scrutin pronostiqué comme rapide – ne serait-ce qu’en raison du contexte de tensions politiques –, la procédure s’étire. Différents noms sont donnés comme gagnants par la presse, avant d’être démentis. « Trois élus ont déjà fait naufrage au port par l’effet des exclusions et des suggestions diplomatiques », explique  Le Temps le 29 janvier 1831. Le 9 février,  Le Journal de l’Aube déplore un nouvel échec, imputable à nouveau à l’ingérence des grandes puissances :

« Le conclave se prolonge. Il paraît certain qu'il serait terminé et que l’Église aurait pour chef le cardinal Zurla, si une grande puissance ne lui avait donné l’exclusion.

Le temps n’est pas loin, nous l’espérons où un usage, si contraire à la liberté de l’Église disparaîtra comme toutes les servitudes. »

Après 50 jours de conclave et 83 scrutins, c’est finalement le cardinal Bartolomeo Cappellari, moine camaldule et préfet de la Congrégation de la propagation de la foi, qui finit par l’emporter, le 2 février au matin.

Au final, le contexte révolutionnaire semble n’avoir eu finalement que peu d’influence sur un scrutin dominé par le jeu des puissances… Par prudence néanmoins, le nouveau pontife, qui prend le nom de Grégoire XVI, est intronisé à la hâte, dès le 6 février. 

Considéré comme un modéré au moment de l’élection, le nouveau pape s’avérera finalement intransigeant et fortement antilibéral. Quant à la disparition de l’ingérence des puissances temporelles, il faudra attendre encore plus de 70 ans. Jusqu’au lendemain de l’élection de Pie X, en 1903.

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1903 : la dernière ingérence officielle

Une fois n’est pas coutume, le conclave qui doit élire le successeur de Léon XIII se tient au beau milieu de l’été. Ce qui n’est pas sans inquiéter :

« Beaucoup se demandent comment certains cardinaux, très âgés ou malades, pourront supporter les fatigues du conclave et la chaleur qu'il fait à Rome en ce moment. On compte sur l'habileté des architectes pour leur donner le confort et l'hygiène nécessaires »,

rapporte  L’Écho de Paris le 22 juillet 1903.

Mais cette contrainte est vue aussi comme un avantage :

« On suppute aussi que cette circonstance contribuera à hâter l'élection du nouveau pape. » 

À la veille du conclave qui s’ouvre le 1er août, les pronostics sont en faveur d’une issue rapide. Deux noms font figures de favoris : le cardinal Rampolla, qui avait été le secrétaire d’État de Léon XIII, et le cardinal Oreglia. Le 2 août, une rumeur annonce même l’élection du premier. Tous les moyens sont bons pour essayer de savoir ce qu’il se passe derrière les murs du Vatican : 

« Une extrême surveillance continue dans le conclave pour empêcher les tentatives ayant pour but de signaler des nouvelles à l'aide de glaces renvoyant des rayons lumineux de l'une des fenêtres des locaux du conclave sur une maison voisine.

On parle aussi de pigeons voyageurs qui auraient été saisis et détruits par les curseurs pontificaux. Quelques cartes postales et des journaux que l'on soupçonnait devoir contenir des phrases conventionnelles ont été arrêtés »,

rapporte  L’Écho de Paris, le 4 août.

Faute d’informations sur les tours de scrutins, on scrute les entrées de victuailles. Le 3 août, l’entrée de provisions de bouches pour trois jours fait craindre que le conclave ne se prolonge d’autant. Dans  Le Français, on se livre aux spéculations :

« On interprète aujourd’hui la nullité des scrutins successifs qui viennent d’avoir lieu par ce fait qu’il existe deux factions de force à peu près égale entre lesquelles se répartissent les Rampolliens et les Vannutelliens [les partisans de Vannutelli].

Ni l’un ni l’autre de ces partis ne veut encore se résigner à accepter un candidat de transaction. »

C’est pourtant bien un « candidat de transaction » qui est élu le 4 août au matin. La fumée blanche annonce le résultat positif du scrutin. Le cardinal de Sarto, patriarche de Venise, a été élu pape. Il prend le nom de Pie X. « Cette élection est doublement inattendue, commente  Le Français.

« Les Romains ne croyaient pas que le conclave aboutit un mardi, jour pour eux néfaste ; ensuite le nom du cardinal Sarto n’avait guère été prononcé parmi les papabili. »

L’explication de cette issue imprévue sort dans les journaux les jours suivants : l’Autriche a tout bonnement mis son veto à l’élection de Rampolla, même si « les cardinaux autrichiens opposent un démenti formel à l'information concernant l'intervention officieuse ou officielle de leur souverain. rapporte  La Presse le 7 août.

« Il se confirme néanmoins que l'Autriche au nom de la Triplice [l’Italie, l’Allemagne et l’Autriche-Hongrie] est intervenue au Conclave. » 

Suite au veto, Rampolla a vu le nombre de votes en sa faveur décliner, alors que ceux en faveur du cardinal Sarto progressaient. Un retournement vu avec accablement par l’intéressé, rapporte encore La Presse : 

« Lorsque le cardinal Sarto a vu sa candidature gagner du terrain, il a supplié par deux fois les cardinaux de ne pas l'élire. Ce n’est que sur les instances réitérées de ses amis qu’il s’était enfin résigné à se laisser porter.

Lorsque son élection a été proclamée et quand le cardinal Oreglia lui a demandé s'il acceptait, le cardinal Sarto a eu presque une syncope. »

Il accepte néanmoins la charge papale.

Élu malgré lui grâce au veto de l’Autriche, le cardinal Sarto devenu Pie X à l’âge de 68 ans, s’empressera de mettre fin à cette pratique ancienne dont disposaient officieusement la France, l’Espagne et l’Autriche : par la promulgation de la constitution apostolique Commissum nobis de janvier 1904, l’utilisation de ce « droit d’exclusive » serait désormais passible de rien moins que l’excommunication.

1939 : le conclave face aux fascismes, l’élection-éclair de Pie XII

Jamais depuis l’avènement de Grégoire XV en 1621, élection papale n’avait été aussi rapide. Il aura fallu seulement une journée et trois tours de scrutin pour qu’Eugenio Pacelli, secrétaire d’État de Pie XI, devienne le 260e pape sous le nom de Pie XII. 

D’emblée, la succession a été placée sous le signe de la modernité. Le 15 février, la cérémonie de l’inhumation de Pie XI est radiodiffusée par la radio vaticane, lancée en 1931. Pendant le temps du conclave, il est prévu, annonce  Le Temps le 27 février, que

« la radio vaticane diffusera deux fois par jour un bref compte rendu immédiatement après l'apparition de la ‘fumée’ qui montera dans le ciel après chaque scrutin pour l'élection du pape. »

Un microphone est même installé dans la chapelle Sixtine, écrit-on dans les journaux. Nul ne sait, cependant, si le Sacré Collège approuvera ces dispositions et l’utilisera pour annoncer la grande nouvelle au monde…

Pour convoquer les cardinaux étrangers – qui représentent cette fois-ci 27 des 62 cardinaux, dont six Français et trois Américains –, on a eu recours au télégraphe. Afin d’éviter qu’ils n’arrivent après la bataille, comme cela avait été le cas lors de l’élection de 1922 pour les cardinaux nord-américains, « le délai fixé pour la convocation du conclave a été porté à 18 jours », après la mort du pape et non 10 jours, annonce  Le Petit Courrier. Grâce à ces deux aménagements techniques et temporels, c’est un Sacré Collège au complet qui va pouvoir procéder, de manière inédite, à l’élection. 

Dans les prévisions énoncées dans la presse, le cardinal Pacelli fait largement figure de favori. L’Ouest-Éclair fait de lui un portrait élogieux dans son édition du 23 février :

« [Il] jouit dans le monde catholique d'une autorité que personne ne songe à contester. Sa personnalité s'impose, d'autre part, nettement au-dessus du groupe des papables.

Enfin, son expérience des choses de l'Église, sa piété, sa puissance de travail, sa connaissance de l'univers le désignent nettement comme favori s'il est permis de s'exprimer ainsi.

Il est certain qu'une grande partie des voix des cardinaux étrangers […] se porteront sur lui dès le premier tour. Nombre de cardinaux italiens le désigneront sans doute également. »

Il est aussi, pour le quotidien, « le candidat le plus apte, dans les conjonctures actuelles, à succéder à Pie XI ». Face à la montée des fascismes, Pie XI s’était en effet montré très ferme, condamnant par une encyclique en 1937 le racisme de la doctrine nazie, protestant un an après contre les lois raciales du gouvernement italien. Élire le cardinal Pacelli, qui était depuis 1930 son secrétaire d’État, reviendrait à faire le choix de la continuité et de la fermeté, à un moment où la menace hitlérienne se fait toujours plus forte, quelques mois à peine après l’annexion des Sudètes de septembre 1938.

Cette fonction de secrétaire d’État pourrait néanmoins jouer en sa défaveur, poursuit le quotidien de l’Ouest :

« Le cardinal Pacelli réunira-t-il les 42 votes nécessaires à son élection ? Certains prétendent que non.

Parce que, disent-ils, l'expérience prouve que le secrétaire d'Etat du Pontife défunt succède rarement à celui-ci ; certains cardinaux de Curie seraient, d'autre part, assure-t-on, désireux de changement. »

Le jeudi 2 mars au matin, commencent les premiers tours de scrutins. Grâce à la radio vaticane qui diffuse en français, anglais, hollandais, allemand et italien, le monde entier peut suivre le conclave.  La Croix fait un récit ému de cette radiodiffusion inédite :

« Le monde entier a vécu, jeudi, autour d’un poste de radio…

Et la ménagère préparait la soupe en musique, espérant une retransmission de la Ville Éternelle… Car son appareil était trop modeste pour capter les bouleversants Laudetur Jesus Christus qui annonçaient la radiodiffusion du conclave.

Et le patron du café-restaurant à qui les clients demandaient : ‘Alors, rien de nouveau ?’

- J’y vais voir…

Et il allait à son tour taquiner les boutons d’ébonite…

Et les salles de rédaction suspendues à leur printing – ou machines à distribuer les nouvelles – pour se précipiter sur stylo, téléphone, rotatives, informés leurs lecteurs, massés dans la rue, sous les fenêtres…

Et les ‘lointains’ de province…

À La Croix, groupés autour d’un puissant diffuseur d’ondes, nous entendions avec une émotion particulière, les speakers, qui dans tous les dialectes du globe, décrivaient l’immense place Saint-Pierre, grouillante d’un peuple anxieux, les milliers de regards braqués sur la fameuse cheminée de la Sixtine d’où aller monter la première fumée… Blanche ou noire ?

Elle fut noire…

Le monde devait attendre quelque temps encore pour ‘savoir’…

Mais en ces quelques heures d’écoute, il avait senti de quel poids pèse la papauté dans la balance universelle. »

À 16h29, ce jour-là, la fumée blanche finit par apparaître. Malgré la campagne du gouvernement fasciste pour pousser le cardinal Massimi et les efforts de l’Allemagne pour peser sur l’élection, c’est bien Pacelli qui est élu pape au 3e tour de scrutin, le jour même de ses 63 ans. 

Son nom est annoncé, selon la formule traditionnelle, par le cardinal doyen du haut de la loggia de la basilique Saint-Pierre. La radio du Vatican avait simplement communiqué le résultat positif de l’élection « pour permettre, explique  Le Petit Courrier, aux stations étrangères de se mettre en liaison avec les transmissions ultérieures du Vatican et au peuple de la ville, pour lui permettre de venir à temps sur la place pour assister à l'annonce officielle ». 

Cette nomination de Pie XII est accueillie très favorablement par la presse de gauche française qui s’attend à la poursuite de la politique de fermeté de Pie XI face aux fascismes. L’attente sera bien vite déçue…

Confronté dès le 14 mars à un nouveau coup de force d’Hitler, qui fait de la Slovaquie un protectorat allemand, Pie XII surprendra par son absence de réaction. Un silence qui perdurera au cours de la guerre et lui sera fortement reproché…

Pour en savoir plus

Yves Chiron, Les Dix conclaves qui ont marqué l’histoire, Perrin, 2024

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Alice Tillier-Chevallier

Ecrit par

Alice Tillier-Chevallier

Alice Tillier-Chevallier est journaliste indépendante. Spécialisée en histoire, patrimoine et éducation, elle collabore notamment à Archéologia et à la revue Le Français dans le monde.

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