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« Le puits qui mène à l’enfer » : Jules Vallès au fond d'une mine

le par

La LPC des mines au secours des chevaux de mines, Agence Rol, 1927 – source : Gallica-BnF

Le 16 novembre 1866, dans les colonnes du Figaro, paraît la première partie d’un reportage saisissant de réalisme sur le quotidien des mineurs. Il est signé Jules Vallès.

Les 16 et 17 novembre 1866, le Figaro publie un reportage en deux parties intitulé « Au fond d’une mine ». Il est signé Jules Vallès. Le futur célèbre écrivain et figure socialiste de premier plan, bientôt fondateur du Cri du peuple, a déjà été l’auteur de plusieurs articles de presse dans les colonnes du journal.

Ce reportage témoigne, à destination d'un lectorat « mondain » et plutôt orienté à droite, de la réalité du quotidien d’un mineur en cette seconde moitié du XIXe .Vallès y décrit avec exactitude et non sans émotion la journée typique des « hommes du fond » tandis qu’il les accompagne dans la mine. La suite du récit paraît le lendemain.

LETTRES DE PROVINCE

– 

AU FOND D’UNE MINE
(Première heure.)

… Nous avions rendez-vous pour huit heures du matin. Nous devions descendre à quatre au fond d’une mine et visiter, dans tous les sens, le palais de houille.

Deux eurent peur, et nous nous trouvâmes seuls, à l’heure dite, un ami et moi, en face de l’ingénieur en chef qui allait nous faire lui-même les honneurs de sa maison.

Il nous demanda une dernière fois si nous étions bien décidés, et s’il était entendu que nous irions toucher du doigt la dernière pierre au fond du dernier trou. Sur notre réponse, tant soit peu dédaigneuse, il nous fit passer dans son cabinet de toilette, où nous nous déshabillâmes en riant.

Il y avait, je l’avoue, de la fièvre dans ma gaieté.

La veille, quelques gens nous avaient beaucoup détourné de l’entreprise, et les deux garçons qui, au dernier moment, nous faisaient faux bond, n’étaient point des lièvres. L’un d’eux est officier et porte au front la trace d’un grand coup de sabre reçu en plein Solferino. L’ingénieur en chef lui-même ne nous avait point caché que les accidents, dans les mines, sont fort nombreux.

– Sur quinze cents mineurs, avait-il dit, quelques précautions qu’on prenne, et l’on en prend d’immenses, nous avons bien par an vingt morts et six cents blessés.

J’avais appris, avec une certaine tristesse, que depuis quelques semaines le mutilé seul avait donné : la statistique voulait son mort. C’est nous, peut...

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