Écho de presse

La peur de rougir

le 04/06/2018 par Marina Bellot
le 17/07/2016 par Marina Bellot - modifié le 04/06/2018
Young man with hand-tinted rosy cheeks ; entre 1856-1900 ; Source - Flikr The Commons

Où l'on apprend l'existence d'une maladie handicapante, qualifiée par Mme de Sévigné de "persécution dont le diable afflige l’amour-propre".

Grande figure de l’histoire de la médecine, le docteur Augustin Cabanès, fondateur de La Chronique médicale en 1894, s’attarde en 1911 dans Le Petit Parisien sur la peur de rougir, appelée éreuthose par le monde savant : 

"Sommes-nous menacés d’un danger, ressentons-nous une frayeur, une contraction des vaisseaux sanguins se produit, pour ainsi dire automatiquement, et cette contraction rend plus actif le mouvement du sang vers les centres nerveux. C’est parce que les vaisseaux se contractent à la surface du corps que nous devenons pâles à la suite d’une vive émotion. Et quand le peuple dit : « main froide, cœur chaud », il ne fait qu’exprimer une vérité physiologique : les mains se refroidissent lorsque, par l’effet d’une émotion, le sang se retire des extrémités du corps pour gagner le cœur. Avons-nous besoin d’ajouter que si les effets de la passion, dont témoigne la pâleur ou la rougeur subites, se montrent surtout au visage, c’est qu’il n’est pas de partie du corps où les vaisseaux soient plus sensibles. Et c’est ce qui explique comment telle personne rougit plus facilement que telle autre, non pas, comme on serait tenté de le supposer, parce qu’elle a plus de timidité ou que les épreuves l’ont moins aguerrie, mais parce que ses vaisseaux sanguins réagissent différemment."

Et l'on apprend l'existence d'une drôle de maladie, la peur de rougir, qui peut virer à l'obsession et dont Mme de Sévigné était affligée : 

"Et si vous voulez maintenant une description d'éreuthose émotive, relisez cette lettre de Mme de Sévigné à sa fille, Pauline de Grignan. Un homme de métier n'aurait pas mieux pris l'observation du sujet. « Que c'est un joli bonheur, écrit la divine épistolière, de ne rougir jamais. Ç'a été, comme vous dites, le vrai rabat-joie de votre beauté et celui de ma jeunesse. J'ai vu que, sans cette ridicule incommodité, je ne me serais pas changée pour une autre. C'est une persécution dont le diable afflige l'amour-propre enfin, ma fille, vous en quittiez le bal et les grandes assemblées, quoique tout le monde tâchât de vous rassurer en vous élevant toujours au-dessus des autres beautés. C'est souvent un aveu sincère des sentiments qu'on cache et qu'on a raison de cacher, votre imagination en était si frappée que vous étiez hors de combat. »"