Écho de presse

"La Révolution d'abord et toujours"

le 29/05/2018 par Marina Bellot
le 14/04/2017 par Marina Bellot - modifié le 29/05/2018
Le Petit Parisien, 07 septembre 1925 - Source RetroNews BnF

En 1925, les Surréalistes publient un puissant manifeste en faveur de la Révolution, "la sauvegarde la meilleure et la plus efficace de l’individu".

En août 1925,  des artistes et écrivains membres des revues La Révolution surréaliste, Clarté, Correspondance et Philosophies publient un texte en forme de manifeste : La Révolution d'abord et toujours !  (voir le texte publié dans L'Humanité). Parmi les signataires, on trouve André Breton, Louis Aragon, Raymond Queneau, Paul Éluard ou encore Robert Desnos.

La guerre du Rif, guerre coloniale menée au Maroc par les Espagnols rejoints par les Français, est l'élément déclencheur de ce manifeste.

Le propos est toutefois plus large : il s'agit de remettre en cause les rapports de l'Occident sur le reste du monde, de dénoncer le patriotisme comme une "hystérie" et de proclamer une "délivrance totale" :

"Plus loin que le réveil de l'amour propre de peuples longtemps asservis et qui sembleraient ne pas désirer autre chose que de reconquérir leur indépendance, ou que le conflit inapaisable des revendications ouvrières et sociales au sein des États qui tiennent encore en Europe, nous croyons à la fatalité d'une délivrance totale.

Sous les coups de plus en plus durs qui lui sont assénés, il faudra bien que l'homme finisse par changer ses rapports. Bien conscients de la nature des forces qui troublent actuellement le monde, nous voulons, avant même de nous compter et de nous mettre à l'œuvre, proclamer notre détachement absolu et, en quelque sorte, notre purification des idées qui sont à la base de la civilisation européenne encore toute proche et même de toute civilisation basée sur les insupportables principes de nécessité et de devoir.

Plus encore que le patriotisme, qui est une hystérie comme une autre, mais plus creuse et plus mortelle qu'une autre, ce qui nous répugne, c'est l'idée de Patrie qui est vraiment le concept le plus bestial, le moins philosophique dans lequel on essaie de faire entrer notre esprit. Nous sommes certainement des barbares, puisque une certaine forme de civilisation nous écœure."

Quelques semaines plus tôt, dans Le Figaro, un groupe d'intellectuels s'était au contraire déclarés "aux côtés de la Patrie" (voir le texte) : "Il serait intolérable que les soldats qui, chaque jour, exposent leur vie sur le front de l'Ouergha, pussent supposer que leur héroïsme et leur dévouement sont méconnus chez nous, si ce n'est par quelques esprits criminels ou égarés."

Réponse des Surréalistes :

 "Chiens dressés à bien profiter de la Patrie, la seule pensée de cet os à ronger vous anime.
Nous sommes la révolte de l'esprit
 ; nous considérons la Révolution sanglante comme la vengeance inéluctable de l'esprit humilié par vos œuvres. Nous ne sommes pas des utopistes : cette Révolution, nous ne la concevons que sous sa forme sociale. S'il existe quelque part des hommes qui aient vu se dresser contre eux une coalition telle qu'il n'y ait personne qui ne les réprouve (traîtres à tout ce qui n'est pas la liberté, insoumis de toutes sortes, prisonniers de droit commun), qu'ils n'oublient pas que l'idée de Révolution est la sauvegarde la meilleure et la plus efficace de l'individu."

La révolte paysanne menée par Abd el-Krim sera matée au terme d'une violente répression. La Révolution d'abord et toujours ! restera un texte-clé de cette période.