Écho de presse

Novembre 1918 : « L'Alsace-Lorraine nous revient ! »

le 25/05/2018 par Marina Bellot
le 08/12/2016 par Marina Bellot - modifié le 25/05/2018
Illustration : Le Journal du 12 novembre 1918 - Source : BnF RetroNews

Le retour de la France en Alsace-Lorraine marque un moment d’enthousiasme populaire et revêt une importance symbolique majeure pour les Français qui ont encore en mémoire la cuisante défaite de Sedan en 1870.

« L’Alsace-Lorraine nous revient ! ». Ainsi se réjouissent les Français dès le lendemain de l'armistice du 11 novembre 1918, comme le rapporte Le Journal, qui précise :

« Le retour de l'Alsace-Lorraine se trouve implicitement mais très formellement reconnu par trois dispositions. »

C'est dans un « enthousiasme magnifique » que se fait « l'occupation successive des localités délivrées de la Lorraine et de l'Alsace », rapporte de son côté, quelques jours plus tard, L'Écho de Paris :

« À Colmar, notamment, l'entrée solennelle du général de Castelnau s'est effectuée au milieu des acclamations de toute la population, qui a témoigné d'une manière particulièrement touchante de son attachement à la France. [...]

En Alsace, nos avant-gardes ont atteint Reipertswiller, Uberach, Danendorf, Gendertheim, Wendenheim, après avoir fait son entrée à Ingwiller, Bouxviller et à Brumath, où elles ont reçu le plus émouvant accueil. »

Au lendemain de la guerre, l'Alsace et la Lorraine deviennent en effet le puissant symbole d'une victoire qui ne doit souffrir aucune contestation.

La restitution de l'Alsace-Lorraine est évidemment hautement symbolique : les Français ont encore en mémoire l'humiliante défaite de la bataille de Sedan, qui marqua le tournant de la guerre franco-prussienne (juillet 1870-janvier 1871) et aboutit à une issue cruelle : la perte de l'Alsace-Lorraine pour la France.

Dans L'Écho de Paris, l'écrivain et homme politique Maurice Barrès se fait l'écho de cette mémoire française encore vivace :

« Nous voyons atteint par cette victoire le but que s'était proposé toute notre activité publique. Effacement de la défaite, reconquête de Metz et de Strasbourg, voilà ce que les gens de notre âge et qui avaient vu 1870 attendaient et voulaient. »

Dans Le Figaro en mai 1919, l'historien et homme politique Gabriel Hanotaux, membre de l’Académie française, se fait lyrique pour justifier la légitimité de cette restitution sans laquelle, selon lui, la victoire et la paix ne pourraient être dignement célébrées :

« Qu'on ne vienne pas nous dire que la restitution de l'Alsace-Lorraine toute nue, et le retour de ces enfants au foyer de la mère est une œuvre de haine, une œuvre d'impérialisme. Non, ce n'est pas le caractère de cette paix. La France est aussi noble et désintéressée dans la victoire qu'elle fut dévouée et indomptable dans la lutte.

Son caractère reste fidèle à lui-même : puisqu'on ne voulait rien lui reconnaître — rien de plus que le droit strict — elle n'a rien demandé, rien exigé. [...]

Comme elle avait accepté cette guerre, elle accepte cette paix. Elle l'accepte avec joie, avec élan, avec confiance : c'est la paix ! Que ce souffle généreux se répande à travers le monde et que les autres fassent ce que nous faisons ! »

De son côté, Le Gaulois souligne l'importance majeure de la réintégration de l'Alsace-Lorraine en termes de sécurité militaire :

« La restitution de l'Alsace-Lorraine nous rend la ligne du Rhin dans sa partie centrale, tandis que le reste de cette ligne a perdu à peu près toute valeur stratégique, puisque nous le gardons à gauche, et qu'à droite, l'Allemagne ne pourra, jusqu'à une distance de cinquante kilomètres du fleuve, conserver ni une forteresse, ni un arsenal, ni un canon. »

Près d'une décennie plus tard, selon la revue britannique Quaterly Review, citée par Le Siècle en 1927, la « renaissance industrielle française » est notamment due à la restitution de l'Alsace-Lorraine « qui est, si l'on considère son étendue, la région industrielle la plus riche et la mieux organisée d'Europe ».

L’Allemagne nazie annexera l’Alsace-Lorraine en 1940, vengeant ainsi l’affront de 1918 et le « Diktat » du traité de Versailles inlassablement dénoncé par Hitler.