L'hiver le plus froid
En décembre 1879, le thermomètre est descendu à des niveaux records dans toute la France, atteignant -37° dans les Vosges.
C'est l'hiver le plus froid jamais recensé en France. Le 2 décembre 1879, une vague de froid venue du nord déferle sur tout le pays, et le 4 et le 5, une tempête de neige s'abat sur la moitié nord de l'Hexagone. Gil Blas écrit le 6 décembre :
"Le froid a été exceptionnel. À Charleville, le thermomètre est descendu à 21° au-dessous de zéro. Tous les bassins des places publiques de Paris sont gelés […]. On annonce de grandes pluies en Provence. Le thermomètre marquait hier, à Paris : à 7 heures du matin, 10°5 au-dessous de zéro."
À Paris, les amoncellements de neige rendent la ville méconnaissable, comme l'explique Le Petit Parisien du 7 :
"Paris offre un spectacle singulier et en somme bien triste […]. Au lieu du matin bruyant et animé par les cris des petits marchands ambulants, le ronflement des voitures, le piétinement affairé des allants et venants, rien ! rien qu'un silence morne, étouffé, que déchire de temps à autre le claquement du fouet d'un charretier en détresse, ou le couac de la trompette d'un marchand de robinets."
Dans les rues de la capitale, la marche elle-même devient dangereuse et les accidents sont nombreux. La mairie met en place, pour la première fois, le salage des rues. La Seine est gelée : l'épaisseur de la glace atteint 30 cm le 25 décembre ! Le toit du marché Saint-Martin s'effondre...
Partout, les trains sont bloqués, l'activité économique ralentit. On s'organise pour aider les plus pauvres, qui sont les premières victimes du froid. À Honfleur, les navires sont prisonniers de la glace. Nantes subit une tempête de verglas. À Lyon, la couche de glace qui recouvre la Saône atteint les 50 cm d'épaisseur. À Saint-Dié, dans les Vosges, on enregistre une température de -37°, un record. Il fait -30° près de Nancy, -28° à Orléans. Claude Monet, installé à Vétheuil, dans le Vexin, se passionne pour ces nouveaux paysages et peint tout l'hiver la Seine glacée...
Puis, à partir de fin décembre et avec le retour à des températures normales, la glace fond. C'est la débâcle. Le Petit Journal écrit le 5 janvier :
"La curiosité, qui avait amené plus de cent mille personnes sur les quais, s'est changée en consternation lorsque, sur les glaçons, on a vu l'interminable défilé d'objets mobiliers, de tonneaux, de péniches à moitié brisés, d'énormes poutres provenant de radeaux brisés."
Le froid reviendra à la toute fin janvier, avant de s'éloigner à nouveau. Le 6 février, on franchit les 10° à Paris. Les habitants respirent enfin. Ils viennent de vivre l'hiver du siècle.
