Chronique

Georgette Leblanc, métamorphose d'une égérie

le 08/11/2019 par Catherine Gonnard
le 13/09/2016 par Catherine Gonnard - modifié le 08/11/2019
Georgette Leblanc (1869-1941) - Source Gallica

Comédienne et chanteuse, Georgette Leblanc illustre la métamorphose de l'égérie en artiste et intellectuelle indépendante. Catherine Gonnard retrace cette passionnante existence.

Dernière-née de trois enfants d’une famille aisée de Rouen, Georgette Leblanc a été élevée comme sa sœur aînée et comme toutes les jeunes femmes de la bourgeoisie provinciale de cette époque, en prévision d’un "bon" mariage. On lui a enseigné le strict nécessaire pour la bonne tenue d’une maison et les arts d’agréments. Leur frère Maurice, le futur écrivain des Arsène Lupin, fréquente lui bien sûr le lycée. Cependant, Georgette choisit de s’instruire toute seule et n’a de cesse de se former par la lecture et l’apprentissage du chant. Intuitivement, elle sait que pour fuir son destin de jeune bourgeoise provinciale, elle ne peut compter que sur elle-même. Elle quitte la maison familiale et se marie en 1891 ; son époux, personnage falot, la bat et pour lui échapper, elle lui laisse sa dot. Peu de temps après, libre mais sans fortune, elle s’installe à Paris où elle se perfectionne dans l’art du chant et obtient son premier engagement comme cantatrice en 1893 à l’Opéra-Comique (L’Attaque du moulin d’Alfred Bruneau, d’après une nouvelle d’Émile Zola).

En quelques années, elle a créé son personnage de cantatrice excentrique, symboliste et wagnérienne, passionnée de théâtre scandinave, entourée de jeunes artistes décadents dont elle est la muse. Fascinée par l’œuvre de Maurice Maeterlinck, elle accepte en 1894 un contrat avec le théâtre de La Monnaie à Bruxelles, espérant ainsi rencontrer le maître. Ils deviennent amants en 1895. Prise par le tourbillon de ses tournées, lui par son œuvre d’écrivain, ils démarrent une longue relation de vingt-trois ans qui se singularise par une abondante correspondance et beaucoup d'absences. Dans leur échange épistolaire, Maeterlinck trouve un renouvellement d'inspiration pour son théâtre et ses essais, il reproduit presque intégralement certaines lettres de Georgette ; mais il n'acceptera jamais de la citer : "J’ai pris de vous, mais il serait ridicule de vous mentionner, vous êtes sur la scène, une chanteuse, personne ne me croirait.

Si elle souffre de cette situation, elle accepte cependant de jouer le rôle de l'égérie, d’être l'interprète consacrée à sa seule œuvre. Pourtant, l'écriture est sa grande affaire à elle aussi, mais l'époque n'est pas encore au couple d'écrivains, et surtout il n'est pas concevable qu'une actrice écrive, il le lui fait comprendre, elle se tournera donc vers des œuvres dites mineures : aphorismes, souvenirs, articles... Cependant, elle s’impose à l'opéra dans Thaïs, Carmen, Fidelio et bien sûr Ariane et Barbe Bleue... et enchaîne les récitals pour défendre l’œuvre du poète, comme l'écrit Le Journal le 25 avril 1897. Elle se fait comédienne pour présenter son théâtre, même si ce n’est pas sans réticence que Lugné-Poe accepte qu’elle commence par jouer le rôle-titre de Monna Vanna au théâtre de l’Œuvre en 1902. C’est un succès européen qui va la mener à Bruxelles, Londres, Berlin et de la Scandinavie en Grèce, et l’affirmer comme comédienne. Le succès de la pièce demande qu’on en fasse un opéra, d’autant que le monde de la musique a en tête le succès de Pelleas et Melisande. C’est Henri Février qui en sera le compositeur mais à l’automne 1908 une querelle démarre entre le poète et le compositeur à propos des droits d’auteurs. Un procès va s’en suivre en 1909 entre les créateurs de l’œuvre, le librettis...

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