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« Et le fatal couteau trancha sa tête » : récits en direct de la mort de Louis XVI

le 24/10/2023 par RetroNews
le 16/01/2023 par RetroNews - modifié le 24/10/2023

Le lendemain de l’exécution du roi honni, la presse met en scène le « supplice » dans de brèves saynètes décrivant un Paris silencieux, solennel mais heureux. Sans surprise, on décèle également un certain humour noir de la part des rédacteurs.

Condamné à mort par la Convention, Louis Capet est exécuté le 21 janvier 1793. L’ampleur formidable de l’événement à l’échelle historique ne se décèle pourtant que moyennement dans les journaux révolutionnaires du lendemain ; ces derniers choisissent de classer le moment dans les affaires courantes, rarement en première page. Les comptes rendus sont factuels et expéditifs. Parfois caustiques.

Mais dans ces récits d’un Paris grave quoique délivré de son « tyran », on décèle entre les lignes l’importance du moment : la foule venue assister au spectacle, les tambours, l’immense soldatesque mobilisée.

Extrait des Nouvelles politiques nationales et étrangères, 22 janvier 1793

De Paris, le 22 janvier.

Louis n'ayant pas obtenu le sursis qu’il avoit demandé, fut conduit hier au lieu de son supplice, dans le même carrosse du maire, qui l’avoit amené deux fois à la convention nationale.

Il étoit dix heures cinq minutes lorsqu’il arriva sur la place de la Révolution, ci-devant Louis XV. L’échafaud étoit placé sur le piédestal où étoit autrefois la statue de Louis XV & les Champs-Élysées. Louis y monta seul, les commissaires & même le confesseur restèrent au pied de l'échafaud. Il n’étoit vêtu que d’un seul gilet de camisole blanche, le col & la poitrine découverts, & les cheveux roulés par derrière comme ceux des abbés.

Il s'avança d’un air fort assuré du côté gauche de l’instrument de son supplice, & il dit d’une voix forte : François, je meurs innocent ; je pardonne à mes ennemis ; je souhaite que ma mort soit utile au peuple...

Il fut alors conduit à la guillotine, & il dit, en s’y plaçant : Je remets mon âme à Dieu, & le fatal couteau trancha sa tête.

Il étoit alors dix heures seize minutes. Il régnoit en ce moment le plus grand silence, mais l’un des exécuteurs (ils étoient trois) ayant pris la tête & la montrant aux spectateurs, il partit alors de tous les endroits de la place des cris de vive la nation, vive la république : ces acclamations furent accompagnées des autres démonstrations ordinaires, c’est-à-dire que les bonnets & les chapeaux parurent au haut des piques & des bayonnettes.

Le corps fut enlevé sur-le-champ ; mais il ne fut pas emporté par la même voiture qui l’avoit amené ; car elle étoit encore près du Pont-Tournant demi-heure après l’exécution. Il fut ensuite inhumé dans le cimetière de la Madeleine, auprès des victimes du 10 août, qui périrent sur la place Louis XV, & auprès de celles qui furent étouffées rue Royale, lors des fêtes de son mariage.

Extrait du Bulletin des amis de la vérité, 22 janvier 1793

Paris, 21 janvier.

Louis Capet est sorti du temple vers dix heures du matin, dans la voiture du maire, accompagné de ce magistrat, du commandant général et de son confesseur. Toute la force armée étoit sur pied, repartie, soit dans les sections, soit sur toute la longueur anciens boulevards, où les bataillons étoient rangés sur deux hayes.

Louis paroissoit occupé d’un livre qu’il tenoit à la main. Il a descendu de voiture devant l’échafaud, y est monté d’un pas chancelant, a considéré quelque temps l’instrument de son supplice, et s'est ensuite retourné pour adresser la parole au peuple.

Un tambour qui battoit près de lui, a empêché qu'on entendit ses paroles. On a seulement distingué qu'il vouloit pardonner à ses ennemis. L'exécution a suivi de près une courte prière qu'il a faite à genoux, après quoi le bourreau a montré sa tête au peuple, aux membres de la commune, et des corps administratifs qui étoient présents, tandis que la cavalerie, et tous les citoyens armés, criaient vive la République ! au bruit des fanfares.

Louis a été inhumé, sur-le-champ, dans l’église de la Madeleine.

Extrait du Mercure français, 22 janvier 1793

PARIS.

Le décret qui condamnait à mort Louis Capet, a été mis hier â exécution vers les dix heures du matin, sur la place de la révolution, ci-devant Louis XV.

Il y a été conduit dans la voiture du maire, accompagné du ministre du culte qu’il avait choisi. Toutes les mesures de sûreté et de tranquillité publique avaient été prises par le conseil exécutif provisoire, de concert avec tous les corps administratifs. Une force armée considérable était sur pied.

Louis, étant sur l’échafaud, a prononcé quelques mots pour protester de son innocence, et annoncer qu’il pardonnait à ses ennemis. Il avait déjà déclaré à la barre de la Convention, que sa conscience ne lui reprochait rien. Les rois se croyent placés dans un ordre moral si différent de celui des autres hommes, qu’il ne faut pas s’étonner que Louis ne se soit pas cru coupable. La conscience a aussi ses préjuges et ses erreurs.

Des commissaires du département de Paris ; des commissaires de la municipalité et deux membres du tribunal criminel, ont assisté à l’exécution. Le secrétaire-greffier de ce tribunal en a dressé procès-verbal, et les commissaires et membres du tribunal criminel, aussitôt l’exécution consommée, sont venus en rendre compte au conseil exécutif qui est resté en séance permanente, ainsi que le conseil de la commune, pendant toute cette journée.

Des commissaires du temple ont trouvé dans le secrétaire de Louis, trois mille livres en or ; sur les rouleaux était écrit : à M. Malesherbes. Cette somme a été déposée au secrétariat de la commune.

La tranquillité n’a point été troublée dans cette journée.

La veille de cette exécution, le citoyen Pelletier-Saint-Fargeau, dînant au ci-devant Palais-Royal, chez le restaurateur Février ; un citoyen l’approche et lui dit : n’êtes-vous pas M. de Saint-Fargeau ? – Oui. – Avez-vous voté pour la mort de Louis ? – J’ai cru devoir le faire.

Aussitôt ce scélérat lui a enfoncé un coup de poignard dans le bas-ventre, à trois pouces de profondeur. Le blessé était encore sans connaissance à neuf heures du soir : la blessure paraît très-dangereuse ; l’assassin a été arrêté : on dit qu’il se nomme Paris, ci-devant garde-du-corps.