PRÉCÉDENT

Journal des débats politiques et littéraires, 7 mai 1943

SUIVANT

URL invalide

Journal des débats politiques et littéraires
7 mai 1943


Extrait du journal

Que l'on jette un regard circulaire et superficiel sur la Russie dans son ensemble, ou que l'on'approfondisse sa structure sociale,' les divers aspects de eon existence 'quotidienne, et les réalisations va riées dans tous les domaines de la vie russe, on est frappé par la silhouette de la femme russe se profilant nettement, dans cette immense perspective, s'éfageant'sur des plans multipleis, .et s'im posant-dans sa réalité transcendante. Dans ce pays, où trop souvent la négation domine, la femme est véritablement l'élément constructif et positif de ce complexe, presque indéfinissable, qu'est la mentalité russe. C'est grâce aux réformes de la grande Catherine, qui, incontesta blement, favorisèrent la femme russe, que celle-ci a pu, dès le XVIII» siècle, affirmer son caractère particulier et développer ses tendances et ses aptitudes naturelles. Observant la «vie de famille, ou étudiant les diverses manifestations de la vie sociale, on se rend compte combien le rôle de la femme et sa situation morale sont prédominants, dans tous les milieux. 'Dans le peuple et la classe moyenne, c'est la femme qui, par son travail et son intelligence bien dirjgée, était véri tablement Je maître de la maison, et cela depuis fort longtemps. Chez les paysans, les ouvriers, dans le petit commerce, le chef de famille était presque toujours la femme, alors que l'homme se com plaisait souvent dans»l'inertie ou l'insouciance, si toutefois il ne. sombrait pas dans l'alcool. Dans les classes supérieures, la femme fut* de bonne heure gérante absolue de ses biens et de sa fortune, les lois russes rendant la femme légalement indépendante de son mari. Les prérogatives de la femme et ses dons naturels l'ame nèrent peu à peu à prendre une direction effective, non seulement dans son ménage, mais aussi dans l'administration des propriétés foncières, qui étaient le principal apport, des fortunes russes. Caractère inhérent à sa nature, structure de la vie sociale, apathie masculine... sait-on ? Mais il est certain que la femme russe excelle dans la plupart des domaines. Intelligence, capacité, puissance de travail, activité, sont ses facteurs principaux. La femme russe, avec la fougue et l'impétuosité de la nature slave, peut porter avec facilité, dirait-on même le dévouement à son comble, avec une, abnégation totale de 6a personne et une abstraction absolue de son existence propre, se donnant entièrement à la cause choisie. La femme russe, plus que toute autre, prenant la vie très au sérieux, beaucoup sont capables d'une sorte d'héroïsme permanent, que l'on observe rarement ailleurs. Nombreuses sont celles'pour qui le devoir assumé et la tâche consentie sont sacrés, sans transgression possible d'aucune sorte. A l'encontre de l'homme, trop souvent instable et indécis, il n'est pas rare que la femme soit douée de ténacfté et d'un esprit de suite peu commun, d'où ses réalisations, parfois très grandes, dans le domaine culturel et surtout social. L'œuvre sociale des femmes russes était immense et atteignait des proportions grandioses. Hôpitaux, asiles, écoles infantiles de campagne, dispensaires, etc., étaient leurs créa tions et leurs royaumes, où elles étaient souvent de véritables impé ratrices de bonté, prodiguant leurs soins et leur charité à plein cœur. Leur grande culture, au rayon extrêmement large et dont l'étendue n'excluait pas la profondeur, les rendait plus aptes que les autres à la compréhension de multiples problèmes et à l'application de bien des théories. S'intêressant intensément aux questions sociales, un grand nombre de femmes s'illustrèrent, au sièole dernier, par leur haute bienfaisance et leurs réalisations magnifiques dans cet ordre d'idées. Plus combative que l'homme russe, elle se laisse moins aller au fatalisme, à la propension au rêve, leur pensée erre moins dans les méandres de l'abstraction, stérile... Le goût de la métaphy sique se traduit souvent, chez la femme, en influence morale bien faisante, alors que, chez l'homme, elle n'est parfois que le résultat d'une hyperculture, insuffisamment contrôlée et pas dirigée. Plus que quiconque, la femme russe peut se donner à une idée, y consacrer sa vie. Ne peut-on citer ici ce mot de Mme de Staël : lln désir de femme russe est suffisant pour faire sauter une ville ?... Dès 1870, les. femmes arrivèrent, par leur obstination et leur ténacité, à faire ouvrir des cours supérieurs à l'usage féminin, comprenant le cyole entier du haut enseignement. A partir de 1906, elles eurent, les premières dans le monde entier, des cours poly techniques, destinés à préparer des architectes, des ingénieurs, des électriciens et des chimistes femmes. Depuis 1842. elles avaient déjà à Saint-PétersbonTg une école d'art, et, en 1871, l'Académie des beaux-arts leur ouvrit ses portes. L'âme russe est un problème compliqué, que l'esprit occidental, raisonnable et positif, ne peut s'assimiler. La mentalité russe, et particulièrement celle de la femme, échappe aux lois analytiques. Il est' toutefois indéniable que, dans les méandres de l'âme slave, la femme russe s'élève généralement sur- les cimes d'une haute intellectualité, d'une force et d'une endurance morale remarquables. Si jamais un homme en Russie se montre digne de sa mission, il le devra à la femme, proclamait Chévyrév, en 1833, du haut d'une chaire qu'il occupait avec éclat à l'université de Moscou. Revoyez en pensée les héroïnes de Gontcharov et de Tourguénieff, les femmes russes de Nekrassov, de Pouschkine et de Tolstoï, en passant par Dostoïevsky, la supériorité de la femme sur l'homme est partout soulignée pair une élévation d'esprit qui commande l'admiration, une largeur de vues surprenante et une culture, dont la qualité et l'étendue ne paraissent pas être de l'acquit, mais un don naturel. Leur passion de savoir et leur volonté au service d'une idée s'allient chez elles à une vaillante incomparable dans les épreuves, et en face du danger ; nous n'en donnerons comme témoi gnage que le fait .que nombreuses sont les femmes décorées de la croix de chevalier de Saint-Georges, haute distinction militaire, gagnée sur les champs de bataille, pour leur dévouement comme Infirmières. Nous ne dirons rien ici du charme slave, ce qui nous entraî nerait trop loin, vers d'autres régions, sortant du cadre de cette brève esquisse....

À propos

Fondé en 1789 sous le titre Journal des débats et décrets, le Journal des débats politiques et littéraires retranscrit, dans un premier temps, la quasi intégralité des séances dispensées à l’Assemblée Nationale. Sous Napoléon, il change de nom pour devenir le Journal de l’Empire. Publié jusqu’à l’Occupation, le journal sera supprimé en 1944.

En savoir plus
Données de classification
  • robert
  • de kallay
  • grasset
  • staline
  • giraud
  • mussolini
  • etranger
  • bernard
  • puaux
  • ma
  • vichy
  • rome
  • londres
  • paris
  • washington
  • afrique
  • france
  • kouban
  • angleterre
  • russie
  • havas
  • école des cadres
  • école d'art
  • université de moscou
  • académie des beaux-arts
  • iu
  • scor
  • unis
  • dana
  • confédération