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La Croix, 28 juin 1914

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La Croix
28 juin 1914


Extrait du journal

Ecrasé de travail, je viens de dire à Catu : — Surtout, défendez-moi bien !.. je n'y suis pour personne ! D’airain pour les dames, Catu est de verre pour les messieurs, et spéciale ment pour les messieurs-prêtres. Deux minutes après elle revient... On a sonné... — C’est un ingénieur... un monsieur très bien... il n’a qu’un seul mot à dire à M. le curé.. ? Je le connais, ce seul mot-là... Quand c’est une dame, il peut durer une heure ; avec les hommes, on s’en tire parfois en dix minutes. Dans le cas présent, il s’agit d’un de mes amis, ingénieur des ponts et chausséés. Or, je viens de finir la lecture du rapport d’hier sur TrouVille (lisez Paris). Il y a peut-être une interview intéressante à prendre et, sans s’en douter, mon ingénieur s’offre en victime à la plume du journaliste !.. Entrez... ô vous qui n’avez qu’un mot à dire !.. je l’écoute, ce mot ! , — Monsieur le curé, je me marie, et je viens vous l’annoncer... — Parfait !.. Contre qui.. ? — Contre ! !. fit-il scandalisé. Et le geste fervent, la bouche abondante, le regard inspiré, il commence : — Je me marie avec Mademoiselle... Et il me décrivit le plus joli portrait de la plus exquise personne... le gail lard avait trouvé l’oiseau bleu !.. Elle n’était pas seulement blonde, mais blond-cendré... elle avait des yeux de rêve !.. musicienne !.. ménagère, femme d’intérieur !.. Et moi, vieux matelot fumant la pipe de l’expérience sur la falaise du sou venir, je le regardais en songeant... Même un ingénieur des mines L O amour !.. Quand le portrait eut assez duré, j’interrompis brusquement : — Dites donc !.. c’est une mauvaise date pour vous marier !.. — Pourquoi cela.. ? fit-il étonné. — Mais... vous n’avez pas .une bonne {iresse, vous autres, les ingénieurs !.. Et es trous !.. Et ce rapport d’hier !.. — Ah bah !.. Il fit le tour du salon en agitant les bras comme quelqu’un auquel on parle d’une très vieille rengaine. — Les trous.. ? Mais on les savait, les trous !.. C’est l’orage qu’on ne savait pas !.. Sans orage, il y aurait eu un trou, deux trous, trois trous... On les aurait bouchés, cuillerée par cuillerée... per sonne ne s’en serait aperçu... même pas le contribuable.. Seulement, voila !.. Plusieurs se sont ouverts le même jour, à là même heure... — Plusieurs !.. il en reste donc.. ? — S’il en reste ! Mais, mon cher curé, il y a telle maison à Paris que je n’ha biterais pas, même si le propriétaire me payait J Cette maison-là, elle dégringo lera fatalement ! Et il répéta : fa-ta-lement / — II faut le dire !.. le crier !.. le hurler !.. Lui, qui a vingt-neuf ans, me regarda à son tour avec commisération : — Jeune homme !.. Tenez... je vais vous raconter une histoire. ... L’autre jour, je passais comme un quelconque pékin devant un grand chantier qui est sous les ordres d’un camarade. On est du bâtiment !.. Alors, machina lement, je regardai. - Les maçons faisaient leur mortier dans une auge sous les yeux d’un con ducteur. C’était le mortier numéro 4, le meilleur : une partie de ciment pour une partie de sable de rivière. Le conducteur s’en alla-. Aussitôt, les maçons firent le mortier numéro 2, c’est-à-dire une partie de ciment pour trois parties de sable de rivière. C’était du sabotage !.. surtout à cet endroit où il aurait fallu faire du mor tier de béton armé, c’est-à-dire presque du ciment pur. Je Jes observai une demi-heure. Puis je fis une courtoise observation. Oh 1 là là ! je reçus aussitôt une de ces bordées d’épithètes dont on se sou vient le soir en se couchant, et qu’il est difficile de raconter dans leur ver deur à son épouse. ... Alors, très digne, je tirai mon car net d’identité. ? Quand on vit que j’étais un ingénieur, je fus hué encore plus... si bien qu’un agent s’approcha... — Qu’est-ce qu’y a de cassé.. ? * '• Que faire.. ? Un rapport.. ? J’entendais déjà mon collègue s’écrier avec stupéfaction : « De quoi se mêlet-il, ce coco-là.. ? Est-ce que je vais sur veiller son chantier à lui.. ? . Mais supposons que mon camarade...

À propos

La Croix est un journal catholique conservateur créé par Emmanuel d’Alzon, prêtre de la Congrégation des assomptionnistes, en 1880. Quotidien depuis 1883, il continue d'être publié de nos jours, dans une version bien moins partisane et religieuse que par le passé.

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