Extrait du journal

Il faut donc que je vous parle de Porquerolles, qui est en France, à quinze kilomètres d'Hyères, une heure environ de bateau. Un habitant de cette aimable petite ville m'avait déclaré qu'il n'y avait pas grand'chose à voir ni à faire dans cette Ile. En effet, les distractions mondaines y manquent absolument ; il n'y a ici ni grand hôtel, nû casino, ni théâtre, ni musique de Tziganes, ni parc, ni jet d'eau ; il n'y a rien qu'un village de deux cents " âmes, quelques barques de pécheurs et la simple nature, déserte, sauvage. grandiose ; des forêts de pins, çà et là dévastées par des incendies fréquents, mais, en d'autres endroits, si touffues et broussailleuses qu'on les dirait vierges ; des coins de fraîcheur où il semble que nul être n'ait encore pénétré ; des rochers abrupts et trafiques qui s'élèvent en remparts au-dessus des vagues et rappellent les falaises bretonnes, où s'arrête la mer profonde ; un phare qui domine toute l'île et du haut duquel, quand le ciel est clair, on peut apercevoir jusqu'aux montagnes de la Corse et cent navires par jour. Rien n'est plus poétique et ne fait plus lever nos rêves qu'un navire passant au grand large, quand la mer est furieuse, et elle l'est souvent dans ce golfe du Lion. Aujourd'hui, par exemple, le mislral fait rage et, tout en vous écrivant, j'assiste de ma feutre à une véritable tempête, et il y a là-bas, bien loin, un transatlantique qui n'avance guère, car il a le vent contraire. Je parierais qu'il arrivera à Marseille avec plusieurs heures de retard....