Extrait du journal

« La Société des Nations ayant transmis à l'Académie des sciences un projet de réforme du calendrier, celle-ci a chargé ses sections d'astronomie et de géographie d'étu dier la question. » Cette nouvelle nous est tombée sous les yeux l'autre jour. On sait de quelle réforme il s'agit : les fêtes mobiles deviendraient fixes, et Pâques, qui les commande toutes, aurait toujours la même date, à six jours, près ; ce serait par exemple le premier dimanche d'avril. J'imagine que l'Egîise sera consultée aussi, et qtr'on ne décidera pas de la date de la Semaine Sainte sans prendre son avis. Pour moi, qui ne suis ni astronome ni docteur en liturgie, j'ai d'humbles raisons de m'alarmer de ce projet de réforme, et ce n'est pas sans inquié tude que je verrai toucher aux fêtes mobiles. Je sais bien que nous assistons depuis dix ans à l'cclosion d'un monde nouveau, que tout était mal fait aupa ravant, que tout sera bien désormais, et que les augures de Genève, non contents d'élaborer la paix universelle, construisent un univers idéal où toutes les béatitudes nous sont promises. Mais je me méfie justement de cette perfection conçue par des idéologues. Et, pour ce qui est du calendrier, je me demande si les sages qui ont fait jadis celui qui est encore le nôtre ne l'avaient pas accor dé à des réalités naturelles dont nous aurions tort de nous écarter. Il est à remarquer que les fêtes religieuses sont fort heureusement réparties entre les saisons. Ce n'est pas par hasard que l'on célèbre la Nativité au milieu de la plus longue nuit de l'hiver, tandis que la fête de saint Jean-Baptiste correspond au plus long jour de l'été ; il semble que la dernière page de l'Ancien Testament et la première de la Loi nouvelle se fassent ainsi vis-à-vis aux deux pôles de l'année. Le choix de la date de Pâques est plus subtil : c'est le dimanche qui suit la première lune après le printemps. Les jeux de l'équinoxe et de la lunaison font que Pâques nous arriye tantôt dans les giboulées de mars, tantôt à la fin d'avril, après un trimestre que les écoliers trouvent un peu long. 'C'est ce caprice que l'on voudrait corriger, pour nous soumettre à une règle monotone. Mais n'y a-t-il pas des raisons à ce caprice ? La vie des créatures qui s'agitent sur la terre n'est-èlle pas ordonnée, plus ou moins, par les astres au milieu desquels la terre se meut ? Les hommes des champs, qui vivent sainement, suivent le cours du soleil et prennent garde aux phases de la lune. C'est peut-être, une grande sagesse qui fait dépendre aussi de la lune la date de Pâques et celle des Rameaux. Et c'est une audace imprudente qui pousse l'homme à s'affranchir des lois de la mathématique céleste. Et puis, même s'il est un peu fantasque de se guider sur ia iune, ne bannissons pas toute fantaisie d'un monde qui en a déjà perdu beaucoup. André Rousséaux....